May December – Un scandale devenu objet de fascination

May December | ARP Sélection

May December : Pour préparer son nouveau rôle, une actrice célèbre vient rencontrer celle qu’elle va incarner à l’écran, dont la vie sentimentale a enflammé la presse à scandale et passionné le pays 20 ans plus tôt.

AVIS GLOBAL

Note : 3 sur 5.

Todd Haynes nous livre son dernier film, après un passage au 76e Festival de Cannes. Après “Dark Waters” en 2019, le réalisateur revient avec un duo de rêves : Natalie Portman et Julianne Moore ! Une tête d’affiche géniale, dans un film qui souhaite nous plonger dans un récit trouble, sur une relation qui bouscule les normes, et une observatrice un peu trop intrusive. Si la promesse est alléchante et glaçante, pouvons-nous affirmer que le pari est tenu ? Est-ce un film troublant, ou un essai perturbant dans sa médiocrité ? Ce film dramatique américain est sorti en salle le mercredi 25 Janvier 2024.

“May December” doit beaucoup à son duo d’actrices, qui apporte beaucoup à ce film, intéressant, mais profondément inégal… Si le récit porte des thématiques qui ont le potentiel pour nous séduire et nous perturber, le reste du métrage peine à porter ces intentions. Un ensemble imparfait, qui se dissout sous ses défauts, et nous laisse sur notre faim !

May December | ARP Sélection
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Des bonnes idées sur le papier !

Et pourtant, le début nous laisse entrevoir tout le potentiel du film ! Nous pouvons observer dans la première partie du film, tout ce que le film avait explorer, dans ses thématiques, comme dans son casting. Dès les premiers échanges entre les deux actrices, ici toutes les deux monumentales, nous assistons à des échanges cinglants, amers, incisifs comme des couteaux chauffés à blanc. La détestation est palpable, chacune appréhende l’autre avec les préjugées, et leur complicité factice, ne fait qu’augmenter la tension entre les deux femmes. Et ici, les dialogues sont pensés pour faire ressortir l’ambiguïté des situations… Une situation qui croule sous le malaise, au détour d’une relation considérée comme malsaine, une famille qui est née du scandale, se créant un mur pour échapper à la violence extérieure. Mais de nombreux non-dits viennent ulcérer cette relation, déjà conspuée par la société, et c’est ce qui attirera la jeune actrice !

Ici, nous plongeons dans une relation qui bouscule nos mœurs, lorsque nous suivons Gracie, une quinquagénaire qui est mariée avec Joe, un jeune homme de 36 ans. Un couple marié, mais qui se sont rencontrés lorsque le jeune Joe avait 13 ans, ayant une relation sexuelle avec Gracie, qui avait alors la trentaine. Et c’est ici, une bonne décennie après que nous retrouvons ce couple, après un acte de prédation dont on semble éviter les conséquences, ou les racines ! Mais dans ce couple dévitalisé, la présence d’Elizabeth, l’actrice qui veut interpréter Gracie le plus juste possible, va tout bousculer.

Au détour d’entrevues, de moments du quotidien, d’échanges anodins… C’est toute une violence qui se dégage, un traumatisme latent. Que ce soit Joe, qui semble totalement déphasé par rapport à son âge, sa perception de la parentalité. Ou encore Gracie dans un déni total, et d’une grande instabilité émotionnelle… Tout ici nous amène au trouble, à la violence des non-dits. Et nous place dans une situation distanciée, notamment via le personnage d’Elizabeth. Des propos de fonds intéressants, troublants, et qui parviennent par moments à nous transporter dans un malaise insidieux.

May December | ARP Sélection
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Une floppée de défauts fissurent le moule !

Mais quel dommage que le métrage ne parvienne pas à parfaitement encapsuler tout ça sur toute sa durée ! Si les intentions sont claires dans le film, et les idées narratives et thématiques sont bien présentes. Le tout va se délier rapidement, cédant notamment sous certains défauts récurrents dans le métrage. À commencer par une ambiance musicale qui apporte pas mal de lourdeur dans ses scènes. Venant appuyer lourdement sur les événements et les retournements qui s’opèrent sous nos yeux. Une musique redondante, qui ne fait qu’alourdir le tout, et ne semble pas toujours cohérente, voulant parfois créer un décalage, comme celui de ses personnages, mais c’est loupé.

Et cela se combine à une écriture plutôt inégale. Car si on ne peut pas enlever la réussite des dialogues, et de certains arcs qui sont mieux travaillés. L’ensemble du scénario est par moments affaibli par certaines énormités scénaristiques. Que ce soit dans des développements qui semblent un peu faciles, voire prévisibles. Le métrage peut faire preuve d’un manque de subtilité par instants, et la musique n’arrange pas les choses.

Quel dommage que le récit ne parvienne pas toujours à tenir le rythme, ponctuant le tout d’un grand nombre de respirations dans sa narration, venant un peu casser le rythme. Et en accumulant les thématiques, les axes de réflexion… Le récit pose beaucoup de questions intéressantes, mais qui vont manquer d’exploitation, posant des briques, sans parvenir à en faire un mur complet ! On ne pourra pas enlever au film, son duo d’actrices absolument dingues, Moore et Portman étant parfaites dans leurs rôles !

May December | ARP Sélection
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Mais au final, on passe ? Ou on fonce ?

Au final, “May December” porte un concept et des idées intéressantes, le tout emporté par un duo d’actrices géniales. La violence des traumatismes s’opère de manière insidieuse, la cruauté des dialogues et des non-dits frappent. Mais le tout s’étiole sous une narration inégale, par moments d’une lenteur abyssale, et qui s’éparpille dans ses thématiques. Alourdi avec une musique redondante, et venant appuyer grassement certains propos… Le métrage se retrouve, par moments, être aussi subtil que tonton Georges après 4 Ricard. Le film s’écroule, perd en puissance, et ne parvient pas à tenir son malaise latent, sa violence insidieuse. Malgré des instants réussis, des actrices glaçantes, et un monologue de fin frappant ! Nous avons là un essai imparfait, chargé de bonnes idées, mais criblé de défauts…

Regrettable quand on perçoit tout ce que le film veut nous offrir ! Que ce soit dans son cynisme mordant quand à une réflexion autour de son industrie hollywoodienne, ou encore en repoussant les limites de la place du spectateur dans ce récit… Sans parler de ce récit sur fond de scandale, où la prédation est partout, mais ne se dévoile jamais frontalement. Tout est fait pour nous bousculer, nous nouer ! Avec une froideur chirurgicale, le métrage manque d’un geste aussi précis que l’intention qui le porte, pour littéralement nous plaquer contre notre fauteuil !

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