Tinnitus – Un plongeon onirique dans des maux sociétaux invisibles

Tinnitus | Wayna Pitch

Tout Le Monde M’appelle Mike : Jean, Isabelle et son fils Damien ont tout quitté pour naviguer autour du monde. Pendant une escale à Djibouti, ils rencontrent Mike, un chauffeur de taxi. Jean, inquiet au moment de reprendre la mer vers le dangereux golfe d’Aden, décide d’embarquer Mike contre l’avis d’Isabelle.

Tinnitus | Wayna Pitch
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Tinnitus

Note : 3.5 sur 5.

Dans le grand bassin brésilien, Gregorio Graziosi y plonge tête la première avec son second long-métrage. Tinnitus, avec son casting composé de femmes fortes, perfore une bâche brésilienne conservatrice, bravant aussi bien les maladies physiques que sociétales. Ce drame brésilien sortira le 5 juillet 2023 au cinéma.

Un monstre qui cri à notre oreille

Tinnitus est le récit moderne de Marina, une plongeuse souffrant d’acouphène et ne pouvant donc plus poursuivre sa passion. Ce mal qui le ronge ne lui est cependant pas exclusif, celui-ci étant perceptible par le spectateur. Agit alors ici un travail conséquent sur le mixage sonore pour que nous puissions entendre ces étranges sons, mais aussi nous faire comprendre au combien ils sont désagréables.

En suivant le point de vu de Marina, nous voyions que cette maladie est plus qu’un frein à sa carrière sportive, elle est handicapante. Néanmoins, Marina va se battre, en allant contre les instances et sa condition de femme, muée presque par une obsession.

Une obsession…

La plongeuse souhaite à tout prix participer aux Jeux Olympiques de Tokyo. Ce désir est représenté dans le métrage par la présence constante et de plus en plus forte d’éléments japonisants. Ces derniers apportent par la même occasion une certaine spiritualité et un certain onirisme parcourant l’entièreté du film.

Cette obsession n’est, une nouvelle fois, pas exclusive à Marina et touche tous les autres personnages de l’œuvre. De Luisa qui souhaite elle aussi participer aux Jeux Olympiques, à Santos qui est obsédé par la maladie de sa femme, en passant surtout par Teresa qui voue une admiration maladive pour Marina au point de vouloir prendre sa place, tous sont habités par une obsession quasiment irrationnelle.

…hitchcockienne

Teresa est à ne pas douter la représentante de cette psychose, la femme apportant au métrage un côté Vertigo. Ce rapport à l’œuvre d’Alfred Hitchcock était déjà visible dans le générique de début où nous entrons dans l’oreille de Marina, mais il s’accentue avec Teresa.

La nature de son ambition ne peut que nous faire penser au chef d’œuvre du maître du suspense et Gregorio Graziosi en joue magnifiquement. En témoigne le plan où Marina rejoint Teresa dans le lit, les deux étant à la fois liées et séparées par deux couleurs distinctes. De surcroît, la dernière partie du film alterne entre des teintes rouges et vertes, à l’instar de Vertigo.

À cet effet, l’introduction du personnage de Teresa fait basculer l’œuvre du drame sportif au thriller. Cependant, Tinnitus ne va pas davantage se plonger dans ce genre malgré la gravité de certaines situations présentées. Ce qui est fondamental est Marina, son lien avec sa discipline et aussi avec le monde marin.

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Comme un poisson dans un bocal

Dès les premières minutes, la plongeuse est assimilée à un narval. L’animal, dans le documentaire présenté, est montré sous l’eau bloqué par deux blocs de glaces d’une part et d’autre de l’écran. Celui-ci se doit alors de perforer cette couche, quitte à se casser la défense, pour pouvoir sortir. Marina est dans le même cas que lui.

Pendant une bonne partie du film, la plongeuse se retrouve bloqué par sa maladie. C’est représenté par les fréquents surcadrages où la femme se trouve entre deux murs. C’est d’autant plus explicite qu’elle travaille dans un aquarium en tant que sirène. Elle prend le costume d’une créature pouvant vivre sous l’eau, chose qu’elle aimerait faire, sauf qu’elle est enfermée.

Briser le mur

Pour reprendre la plongée, elle se doit de perforer ces « murs », quitte à se casser la « défense », tel son animal totem. Cette assimilation est possiblement trop évidente, à l’image du raccord de mouvement entre l’animal sortant de l’eau et de Marina se levant du lit, toutefois elle est intéressante car elle se rapporte à d’autres personnages.

Luisa fera aussi face à ces surcadrages, et elle aussi devra perforer ces murs quitte à empirer sa situation. Le final de l’œuvre dévoile ainsi un autre aspect essentiel du film, lié intimement à la discipline sportive montrée : la synchronisation.

Trouver son équilibre

Dans le plongeon synchronisée, pour que ce soit réussi il est important que les deux plongeurs soient en osmose. Tinnitus pousse le concept à son extrême en le transposant à la vie. Pour qu’elle soit agréable, il faut garder un équilibre physique et mentale.

Le duo à la vie entre Marina et Santos n’est pas en osmose et ne peut donc pas mener à la conception à un enfant comme le souligne pertinemment la séquence d’interrogatoire où le champ contrechamp crée une distance entre le femme et les médecins. Idem pour l’idée même de porter en soi un bébé, car pour accueillir la vie il faut être équilibré.

L’image des deux barres parallèles revient fréquemment dans le métrage, que ce soit par l’autoroute ou par les escaliers menant au plongeoir. Ce sont les piliers auxquels doit se tenir Marina pour vaincre ses adversaires médicales et sociétales, et surtout pour reprendre sa passion.

Tenus par un monstre dans l’oreille nous entravant de notre liberté, Tinnitus forme notre bouée de sauvetage, celle nous permettant de nous en échapper. Gregorio Graziosi propose ainsi une œuvre aussi âpre que pleine d’espoir, faisant naître en chacun de nous la volonté de nous libérer et de nous dépasser.

Tinnitus | Wayna Pitch
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