La Zone d’Intérêt – Un plongeon puissant dans l’engrenage du mal

La Zone d'intérêt | Bac Films

La Zone d’Intérêt : Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp.

AVIS GLOBAL

Note : 4.5 sur 5.

Après un passage très remarqué au dernier Festival de Cannes, remportant le Grand Prix. Et faisant déjà sensation, étant nommés dans quasiment toutes les cérémonies. C’est peu dire que l’attente du dernier film de Jonathan Glazer commençait à se faire sentir ! Avec son quatrième long-métrage, le réalisateur de « Under The Skin » marque son retour en salles après un peu plus de dix ans d’absence. En nous embarquant cette fois dans un récit très jovial ! Celui du quotidien glaçant du responsable du camp d’Auschwitz-Birkeneau et de sa petite famille. Un choix de titre plutôt malin, venant désigner un périmètre précis autour de ces fameux sites sinistres Un récit pas si banal, mais le résultat va-t-il nous emporter dans les affres de l’inhumain ? Ou bien nous balader sur les sentiers de l’ennui ? Ce drame historique américano-britannique est en salles le Mercredi 31 Janvier 2024.

« La Zone d’Intérêt » est le gros coup de poing de ce début d’année ! En nous plongeant dans la banalité du mal, et les racines de la corruption, avec une efficacité déchirante. Le métrage nous matraque avec une mise en scène radicale, qui fait de son hors-champ, la source d’une violence inouïe. Et de son ambiance sonore, une machine qui vient rouler sur nos sens. Voilà un film qui se révèle à la fois ultra sensoriel, définitivement radical… Comme un plongeon vertigineux dans les engrenages d’un mal insidieux !

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La Zone d’intérêt | Bac Films

Une mise en scène qui nous matraque !

C’est certainement l’aspect le plus frappant de ce métrage ! Une mise en scène ultra radicale, à la photo si particulière, une caméra presque statique… Oui, le film nous déroute sur tous ses aspects ! Dès son introduction, le spectateur sera secoué, remué, par un écran noir, un vacarme assourdissant que l’on comprendra plus tard. Puis le film viendra prendre place dans un pavillon bourgeois. On y ressent instantanément un décalage comme si quelque chose nous échappait. Nous sommes dans une bulle en apparence parfaite, mais déjà dissonante.

En effet, aux abords de cette jolie bâtisse, et de son Jardin d’Eden se tient un haut mur épais, celui qui les sépare du camp d’extermination. A partir de cet instant, le camp ne quittera jamais le métrage, que ce soit par sa présence dans le cadre, ou ses traces sonores. Le film ne nous laissera aucun répit, nous plongeant dans ce flot macabre, et de cette famille qui semble vivre un rêve éveillé. C’est au détour de plans fixes, que le film déploie toute la puissance de son hors-champ, de ce camp et ces horreurs, qu’il ne montre que derrière un mur, noyé par un jardin luxuriant, une petite piscine…

Des fleurs crient le massacre qui s’opère. Hedwig, la femme du Commandant, se vante de son jardin, de son petit coin de paradis. En réponse, la caméra nous montre frontalement, les cendres utilisées pour fertiliser cet Eden sanglant. La mise en scène, tout comme la bande-son, orchestrent le massacre qui s’opère autour de ces personnages. Elle vient nous tordre les entrailles, nous briser de l’intérieur ! Ici et là, des instants figés, où la musique seule résonne, comme un écho morbide, avant que le flot d’images ne reprenne, et nous replonge dans cet engrenage millimétré !

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La Zone d’intérêt | Bac Films

Un récit sur la banalité devient monstrueux

Ici, nous ne sommes pas face à des sadiques sanguinaires, et c’est peut-être encore pire ! Les Höss semblent davantage faire partie de cette Allemagne qui a profité du Nazisme pour s’élever, s’enrichir… Peu importe le tribut à payer. D’ailleurs, le film plonge habilement dans ce questionnement : quelle part d’humanité sommes-nous prêts à sacrifier pour une meilleure vie ?

Rodolphe Höss semble se réjouir d’être un gestionnaire (un exécuteur) hors pair. Il est même fier de participer à l’industrialisation de la mort, dans une scène glaçante où l’idée d’une fournaise sans fin nous fera tous frémir, mais pas dans le même sens. On se demande pendant un temps si sa femme saisit son environnement, avant qu’on ne réalise que oui. Tous ont parfaitement assimilé ce qui se passe, mais s’en sont accommodé, jouissent de leur bonne fortune même si cette dernière est couverte de sang et de cendres. Les cris, les coups de feu, ou le bruit assourdissant dans la grande machinerie de la mort ne semble même pas les atteindre.

Seuls deux personnages semblent subir cette réalité. Leur bébé, ne cessant de hurler pendant tout le métrage face aux parents démunis. Ils ne comprennent tout simplement pas qu’un enfant ne peut pas grandir dans un milieu où l’odeur de la mort est partout… Puis, la belle-mère, d’abord heureuse de voir sa fille réussir, avant d’affronter la réalité macabre !

Ici, nous explorons bien plus que la simple banalité d’un mal qui s’est répandu si facilement, mais aussi la tentation si douce qu’est la corruption. La capacité d’une société a renié son humanité. Le récit vient se clôturer sur un vertige total, captant une émotion vive, et où le bruit d’une nouvelle machinerie est à l’œuvre : celle de la mémoire, de la préservation.

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La Zone d’intérêt | Bac Films

Mais au final, on passe ? Ou on fonce ?

En se révélant être le film coup de poing de ce début d’année, on comprend pourquoi ce film était dans nos agendas !

« La Zone d’Intérêt » est un film à voir absolument, pour pouvoir expérimenter un film sensoriel, venant opérer un travail minutieux de sa bande-son. Pour nous plonger dans une ambiance sonore qui reflète très bien le film, la violence n’émane jamais frontalement. C’est tout ce qui gravite autour qui va la créer. Avec sa mise en scène radicale, voire assez distanciée, le métrage parvient à capter toute l’essence de son propos. Pour la petite histoire, le réalisateur était enfermé dans une cabine en pilotant les séquences à distance, afin de laisser les acteurs se laisser porter par leurs personnages. On comprend tout à fait d’où provient ce sentiment très froid qui provient de la caméra. Ici, pas de fioritures, ni d’effets de caméras inutiles. Il y a simplement la captation d’une famille monstrueuse dans son choix de l’ignorance.

Le casting est composé d’une Sandra Hüller absolument parfaite, et d’un Christian Friedel glaçant. Le duo d’acteurs nous emporte dans ce couple qui nous met dans une position inconfortable pendant tout le métrage.

Le film n’est pas toujours subtil. Cependant, Jonathan Glazer assume tout, et nous dévoile toute l’horreur qui se cache derrière un mur de béton. Il veut nous bousculer, nous spectateurs, derrière notre écran.

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