Gueules Noires – Dans la mine personne ne vous entendra crier

Gueules Noires | Alba Films

Gueules Noires : 1956, dans le nord de la France. Une bande de mineurs de fond se voit obligée de conduire un professeur faire des prélèvements à mille mètres sous terre. Après un éboulement qui les empêche de remonter, ils découvrent une crypte d’un autre temps, et réveillent sans le savoir une créature légendaire assoiffée de sang…

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GUEULES NOIRES

Note : 2.5 sur 5.

Mathieu Turi n’est pas un homme du présent. Le regard porté sur le futur avec Hostile et Méandre, pour Gueules Noires le réalisateur se tourne vers le passé, apportant avec lui son pessimisme et son amour des lieux restreints. Ce film d’horreur français sort au cinéma le 15 novembre 2023.

Gueules Noires | Alba Films

La mine du Nostromo

Gueules Noires est la rencontre dans le Nord-Pas-de-Calais entre Alien et Lovecraft. Le film reprend grandement les codes du chef d’œuvre de Ridley Scott notamment en ce qui concerne le discours social.

En effet, les mineurs sont comme les membres de l’équipage du Nostromo, c’est-à-dire des outils pour servir le scientifique qui lui est identique à l’androïde, les deux étant envoyés par des instances supérieures pour trouver une mystérieuse créature.

Cette confrontation entre ces deux réalités est perceptible au Maroc lorsqu’en un plan nous passons de l’ambassade française à une place délabrée. Le passage entre les deux se fait par une porte sombre comme si la mine était déjà dehors.

La mine, tout comme le vaisseau, devient une prison dont les personnages ne peuvent sortir. Que ce soit dans l’espace ou des centaines de mètres sous terre, personne ne nous entend crier.

Un mystère trop humain

En reprenant ce qui a fait le succès d’Alien, il est alors naturel de se retrouver dans l’imaginaire lovecraftien. Les mineurs affrontent une créature ancestrale qu’ils ne comprennent pas. Elle possède sa propre mythologie et sa propre divinité, ce qui fait fortement penser au mythe de Cthulhu. Pour ne laisser aucun doutes, le nom d’Abdul al-Hazred est carrément cité.

Le film de Mathieu Turi se veut ainsi mystérieux et suffoquant. Se passant essentiellement dans le noir, le métrage n’en reste pas moins très lisible, ce qui est honorable, toutefois il l’est plus que nécessaire. Gueules Noires n’apprend pas de ses pairs et en montre trop.

L’effroi dans Alien ou dans l’œuvre de Lovecraft fonctionne par le fait qu’il est invisible, hors de portée de l’humain. Ici, nous le contemplons sous toutes ses coutures et ce trop rapidement. Le réalisateur aurait certainement dû apprendre du The Descent de Neil Marshall qui est lui davantage réussi dans son utilisation de l’obscurité et du cadre étouffant.

L’ensemble se veut alors très stéréotypé malgré la volonté d’y apposer une patte française. Le cadre spatio-temporel offrait pourtant une ouverture vers de l’inédit, mais elle sera vite ensevelie par des poncifs ancestraux.

Gueules Noires | Alba Films

Du charbon à la gueule, mais pas que

Gueules Noires est sans tact, à l’image de ceux qu’il dépeint. Il n’y a pas que le charbon qui nous est jeté au visage, mais aussi toutes les thématiques du métrage. Ce dernier s’ouvre sur un oiseau en cage, un symbolisme qui va nous poursuivre tout du long.

Néanmoins, ce premier plan semble subtil face à ce qui nous est montré par la suite. Sont enfermés dans cette mine des personnages stéréotypés à souhait n’ayant que le mot « enfer » à la bouche.

Nous ne pouvons même pas dire que c’est un cauchemar car ce serait faire le jeu du film, celui-ci utilisant ce trope pour conclure sa séquence introductive. Pourtant, de la matière Gueules Noires en avait. Le contexte français de l’époque suffisait à lui-même pour ne pas être américanisé.

L’enfer sous Terre

Le travail à la mine n’a pas changé en cent ans d’existences, voir même en presque deux cents ans si nous pensons à la réouverture récente des mines de charbon en Allemagne. L’unique différence est qu’au XIXème les mineurs étaient français tandis qu’au XXème ils sont étrangers.

Nous voyions que c’est un travail difficile, notamment pour ces derniers qui sont stigmatisés, en témoigne ce plan où Amir est séparé des autres par deux tunnels distincts. Malgré leurs différences, ils se retrouvent tous dans la même situation : enfermés.

L’enfermement est constant et ce même avant de pénétrer dans la mine. Il se fait par les nombreux surcadrages, comme celui lorsqu’Amir rentre dans le véhicule qui va l’emmener au recrutement, et par la symbolique des barreaux, comme ceux formés par la fenêtre du patron.

Ainsi, du début jusqu’à la fin il n’y a aucune échappatoire. Ces gens qui descendent six pieds sous terre sont des sacrifiés à l’instar de ceux qui nourrissaient la créature il y a des milliers d’années.

La troisième guerre

Par ce cadre spatio-temporel, la guerre est centrale dans l’œuvre de Mathieu Turi. Elle est annoncée dans la discussion entre Roland et son patron, et est montrée lors de la rencontre avec la créature. Est ici mis en valeur le rassemblement des communautés face à une menace commune.

Ces mineurs, arborant sur leurs visages du charbon comme peinture de guerre et portant des pioches et de la dynamite telles des armes, affrontent en enfer la pire des créatures.

Pour conclure, “Gueules Noires” porte la torche de la filmographie de Mathieu Turi, mais possède un éclairage trop prononcé sur les œuvres dont il s’inspire, au point d’en cramer la rétine. Dans son cas, il aurait fallu éteindre la lumière et non l’allumer.

Gueules Noires | Alba Films

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