Le Consentement – L’art comme seul moyen de défense

Le Consentement | Pan Distribution

Le Consentement : Paris, 1985. Vanessa a treize ans lorsqu’elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain quinquagénaire de renom. La jeune adolescente devient l’amante et la muse de cet homme célébré par le monde culturel et politique. Se perdant dans la relation, elle subit de plus en plus violemment l’emprise destructrice que ce prédateur exerce sur elle.

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LE CONSENTEMENT

Note : 2.5 sur 5.

La question de l’abus de pouvoir des célébrités sur des mineurs n’est en 2023 toujours pas résolue, en témoigne le récent abandon des charges concernant le youtuber Norman Thavaud. L’art semble être la seule arme pouvant mettre à nu l’agissement de certains hommes et porter haut et fort la voix des victimes. Le Consentement de Vanessa Filho, adapté du roman de Vanessa Springora en est une, et elle est très aiguisée. Ce drame français est sorti au cinéma le 11 octobre 2023.

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Le rêve de grandeur d’une fille

Le Consentement traite d’un sujet lourd à mettre en image, d’autant plus qu’il est réel : celui de l’abus de pouvoir d’un écrivain adulé sur une fille de 14 ans. Vanessa Springora, malgré son jeune âge, est présentée comme mature.

La première séquence, celle du dîner de 1985, vient prouver cette maturité tout en indiquant tous les enjeux qui suivront. Dans cette séquence, la jeune fille mange à la table des adultes avant d’en sortir. C’est à ce moment que l’attention est portée sur elle.

Sa mère parle à son nom, et dans cet acte elle l’infantilise. Cette chose, Gabriel Matzneff ne le fera pas en s’adressant toujours directement à elle. En agissant de la sorte, l’écrivain débute son jeu de manipulation en ne la considérant pas comme une enfant.

En effet, cela plaît à Vanessa, elle qui voit en lui un être intellectuellement supérieur avec qui elle pourra être à son aise. Aux côtés des enfants de son âge ce n’est pas le cas. En classe, nous voyions très bien qu’elle est plus mature qu’eux, que ce soit mentalement ou physiquement – Kim Higelin ayant 22 ans, l’écart d’âge entre elle et les véritables pré-adolescents est perceptible –.

Vanessa pense ainsi s’élever aux côtés de cet artiste comme le montre le plan où elle sort pour la première fois de chez lui où elle est filmée en contre-plongée avec un éclairage lumineux marquant sa béatitude.

Gabriel joue d’ailleurs le jeu en se mettant initialement à son niveau, voire même en s’abaissant devant elle. Il boit notamment du lait et lorsqu’ils tentent de faire leur première fois, il se met à genoux. L’écrivain la pose sur un piédestal, celui de la muse.

Le désir de mineure d’un homme

La position qu’offre Gabriel à Vanessa est illusoire et n’est faite que pour accomplir ses desseins. Dans son jeu de manipulation, l’écrivain en attend autant de la part de la jeune fille et celle-ci se voit ainsi contrainte de le faire.

Vanessa n’a jamais eu le contrôle sur lui comme il est possible de voir lorsque l’artiste lui demande subtilement par les mots, implicitement par la réalisation, de lui faire une fellation. Peu à peu les rôles s’inversent, Gabriel étant celui filmé en contre-plongée, mais cette fois dans un éclairage froid.

Cette domination passe notamment par les mains. Ce sont les parties du corps que nous contemplons le plus, et elles marquent l’emprise qu’il a sur elle. Le plan des premières caresses sur les cuisses de la jeune fille ne montre que ces vils membres.

Ainsi, Vanessa se retrouve dans une prison dont elle ne peut s’échapper, et ce depuis le début. Quand elle va chez lui pour la première fois, elle est montrée dans une plongée, encerclée par une cage d’escalier : alors qu’ils n’ont encore rien fait, elle était déjà dans son piège.

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Un monde moderne archaique

Les mécanismes de la manipulation sont anciens, pourtant ils fonctionnent dans une société moderne. Gabriel est un homme venu d’un autre temps qui fait appel à des préceptes anciens pour légitimer ses actions et avoir davantage d’emprise.

L’Antiquité grecque revient souvent dans le métrage, par le concept d’hubris qui est abordé par Vanessa, mais surtout par celui de la pédérastie dont l’écrivain suit les enseignements. Pour conforter sa position, l’artiste utilise aussi la religion à ses fins.

Le christianisme lui permet aussi bien de feindre le repentir que d’avoir la protection du Christ sur ce couple. Le buste antique de sa chambre, et la vierge Marie présente dans son appartement et à l’église forment une autorité dont Vanessa ne peut réfuter le contrôle.

Gabriel est une personne abjecte ce qui fait de lui un artiste qui l’est tout autant. Par ce qu’a fait l’écrivain à Manille, nous ne pouvons que le rapprocher des actes de Paul Gauguin à Tahiti. Tout comme le peintre, il a utilisé ses victimes pour créer.

Bien que le contexte historique ne puisse pas légitimer les coutumes et les actes des grandes figures de l’Histoire, le fait est qu’il est terrifiant de voir un homme faire ça en 1985 sans que personne ne l’arrête, et qu’il soit même soutenu.

Les plans d’ensemble où Gabriel est au centre de la sphère littéraire parisienne sont terribles. Se dégage en nous un sentiment d’impuissance face à cet être que personne ne semble pouvoir arrêter.

Pris à froid

Certains sujets doivent être abordés bien que ce ne soit pas toujours synonyme de réussite artistique. Le Consentement réussit de son côté à nous plonger dans cette terreur en nous prenant de court. Le métrage nous pique au vif que ce soit par son casting – le choix Jean-Paul Rouve étant surprenant –, ou par ce qu’il montre et surtout comment il le fait.

Nos attentes sont de suite brisées et nous sommes instantanément plongés dans cette froide réalité, dans cette normalisation des comportements abjects. Néanmoins, en abordant ce thème de cette façon, nous tombons rapidement dans une certaine redondance, pour ne pas dire platitude. Le plus dommageable est que malgré sa longueur, le film semble avoir sauté des étapes essentielles dans le développement de Vanessa et de sa relation avec ses proches.

Dénoncer au prix de l’art

Le grand mal de Le Consentement vient du fait qu’il doive passer par des étapes attendues auxquelles il ne peut se défaire. Le métrage use d’effets de réalisation et de montage stéréotypés, comme le prouve celui de la chute psychologique de Vanessa suite au départ en Suisse de Gabriel.

Les relations secondaires montrées à l’écran se veulent ainsi tout aussi artificielles que les artifices utilisés, en témoigne les confrontations entre la mère et sa fille portées par un jeu approximatif et une caméra épaule beaucoup trop tremblante.

Le réalisme de l’horreur que s’était efforcé le métrage à mettre en place se voit totalement détruit. Pourtant, il sait, à quelques occasions, retranscrire les sentiments de Vanessa sans aller dans l’effusion d’effets. Vanessa Filho a certainement voulu trop en faire pour renforcer son propos, bien qu’au final elle ait tout de même réussit l’essentiel.

Le Consentement est un couteau placé sous la gorge pour ceux le regardant. Un sentiment d’impuissance nous envahit pendant que la lame nous tranche la peau. Ce qui nous est montré est quelques fois artistiquement grossier, toutefois les images sont puissantes et doivent être vues car cette réalité d’une autre époque existe bel et bien dans la nôtre.

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