Le Ciel rouge – La chaleur passionnelle des nuits d’été

Le Ciel rouge | Enno Trebs , Paula Beer , Thomas Schubert , Langston Uibel | Les Films du losange

Le Ciel rouge : Une petite maison de vacances au bord de la mer Baltique. Les journées sont chaudes et il n’a pas plu depuis des semaines. Quatre jeunes gens se réunissent, des amis anciens et nouveaux. Les forêts desséchées qui les entourent commencent à s’enflammer, tout comme leurs émotions. Le bonheur, la luxure et l’amour, mais aussi les jalousies, les rancœurs et les tensions. Pendant ce temps, les forêts brûlent. Et très vite, les flammes sont là.

Le Ciel rouge | Paula Beer, Thomas Schubert | Les Films du losange
Le Ciel rouge | Paula Beer, Thomas Schubert | Les Films du losange

Le Ciel rouge

Note : 3.5 sur 5.

Christian Petzold s’est créé une excellente réputation dans les divers festivals européens. Son œuvre est une flamme qui grandit peu à peu et qui a atteint son plus haut pic de chaleur durant la dernière Berlinale en remportant le grand prix du jury avec Le Ciel rouge. Avons-nous raison de nous enflammer ? Ce drame allemand est sorti au cinéma le 6 septembre 2023.

Rohmer en mer Baltique

En vacances dans une maison au milieu d’une forêt, une jeune femme sème le trouble au milieu de deux amis. Le postulat de base ressemble à s’y méprendre à La Collectionneuse d’Eric Rohmer. Le Ciel rouge est effectivement une œuvre rohmerienne, à la différence qu’elle traite aussi bien d’amour que d’ouverture à autrui.

Car oui, si le début est identique au métrage du réalisateur français avec une Nadja enchaînant les relations sexuelles, par la suite le film déviera car la jeune femme n’aura aucun contact direct avec Léon et Félix. Le maintien de ce triangle amical est ici plus important qu’un supposé triangle amoureux.

Travailler au Soleil

Le Ciel rouge n’est, contrairement à ce que nous pourrions penser, pas un film de vacance, mais un conte d’été sur l’idée de se libérer des chaînes de l’individualisme. Celui qui en subit l’entrave est Léon. Ce dernier est un écrivain étant venu dans cette maison avec Félix pour écrire.

Le jeune homme n’est absolument pas là pour se reposer, mais pour travailler et il le fait très bien comprendre. Au placard le maillot de bain, l’écrivain est toujours bien habillé et ne fait aucune activité. Ainsi, Léon est peu en mouvement, comme en témoigne les jumpcuts montrant le temps qui passe, au contraire de Félix qui est très actif.

Cette différence chez les deux amis est soulignée par leur métier respectif, l’un étant écrivain et l’autre photographe. Dans cette optique, Léon est distant avec son environnement, cloîtré dans sa cabane tel un ermite renfermé sur lui-même.

Cette distance avec les autres est marquée par sa relation avec Nadja. La présence de cette dernière est initialement marquée par les sons de ses orgasmes et des objets qu’elle laisse dans la maison. Malgré la réticence de Léon en ce qui concerne sa compagnie, l’écrivain sera intrigué et sortira de son immobilisme en recherchant les traces qu’elle laisse dans la maison.

C’est dans cette entreprise qu’il sera au plus proche d’elle car lorsqu’elle apparaîtra à l’écran, elle sera quasi constamment loin de la caméra ou alors surcadré, Léon étant distant avec elle.

Le Ciel rouge | Thomas Schubert , Enno Trebs , Paula Beer , Langston Uibel | Les Films du losange
Thomas Schubert , Enno Trebs , Paula Beer , Langston Uibel

Feu…

Au milieu de cette forêt où se trouvent les deux amis, Christian Petzold y fait brûler des branches pour créer une source de chaleur rassurante et non dangereuse. Nadja – toute vêtue de rouge – est ce feu, mais pas forcément celui de la passion comme nous pourrions nous y attendre.

Elle est un feu de camp qui réchauffe les cœurs, mais qui s’embrase au contact de ceux qui n’en ont pas. Léon est cet être qui, refroidi par sa nature égocentrique, va brûler ses compères plutôt que de les rejoindre. Ainsi, la réalisation distante qui ne concernait que Nadja va se propager aux autres personnages.

Ce feu va alors prendre davantage d’ampleur au fil des disputes avec la jeune femme. Un incendie va naturellement se créer et va se répercuter sur la vie de Léon et ce de manière dramatique.

… et eau

Face au feu se retrouve l’eau, sauf que les deux éléments contraires réussissent à se rejoindre. Le regard face à cette dernière offre à l’observateur l’étendue de la vie. Elle n’est visible que par ceux voulant bien s’ouvrir aux autres et aux mystères de l’existence, et non ceux qui se renferment dans la futilité de leur ego.

Le projet photographique de Félix est en total accord avec cette doctrine. En prenant un cliché de dos puis un portrait de face, les sujets photographiés ne semblent pas observer l’eau mais l’existence elle-même. Léon fait partie de ceux qui détournent le regard, lui qui ne va jamais se baigner, et encore moins contempler la mer.

La séquence de dispute sur la colline avec Nadja est représentative de cet aspect. Lorsque la mer n’est pas à l’écran, il y a de la tension entre les deux. À l’inverse, lorsque l’eau est visible, Léon s’ouvre davantage à elle.

L’écrivain se doit de s’asseoir sur la plage et observer devant lui. Il doit s’inspirer de la réalité, de son expérience et surtout de celle des autres pour écrire une grande œuvre. Son roman contient toute sa frustration et son manque de connaissances de la vie. Pour pouvoir retranscrire cette dernière, il faut savoir s’y plonger.

Chercher la vie pour ne pas trouver la mort

Une des constantes du métrage est la présence de la mort. La forêt est un lieu plutôt angoissant avec ce feu s’approchant peu à peu. Au préalable, nous aurions pu nous croire dans un film d’horreur avec la voiture tombant en panne et l’attente solitaire de Léon.

Ce rapport au cinéma horrifique se poursuit même à l’arrivée dans la maison avec la présence étrangère de Nadia. Les saletés qu’elle a laissées traîner semblent être présentes depuis des jours, comme si la vie avait soudainement disparues.

De plus, pour ne rien arranger, une mouche plane pendant longtemps autour des personnages, tel un memento mori. À vrai dire, ce sont tous des signes que Léon doit les vaincre. Il doit s’ouvrir à la vie pour ne pas s’enfermer dans la mort.

Le Ciel rouge n’est pas l’œuvre auquel nous pourrions nous attendre. Christian Petzold joue avec ces attentes pour proposer un métrage sortant de l’ordinaire touchant seulement ceux ayant ouvert leur cœur à l’insolite. Ne restez pas sur cette plage si familière et plongez vous aussi dans l’inconnu.

Le Ciel rouge | Thomas Schubert | Les Films du losange
Le Ciel rouge | Thomas Schubert | Les Films du losange

Vous pouvez continuer à me suivre sur Instagram Twitter et Facebook

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :