Cléo, Melvil et moi : Dans le Paris désert du premier confinement, Arnaud, 55 ans, séparé d’Isabelle et père de deux enfants, va profiter de ces 55 jours pour prendre soin d’eux et faire le point sur sa vie ; ce qui le conduit aux souvenirs mais aussi à l’avenir… L’avenir, c’est peut-être Marianne, la pharmacienne du quartier… Ses yeux sont verts, et derrière la vitre en plexiglas, une attirance va naître.

Cléo, Melvil et moi
La pandémie du Covid-19 forme en cette année 2023 une sorte de rêve commun où nous étions tous reclus dans nos habitations. Cléo, Melvil et moi d’Arnaud Viard est l’occasion de se replonger dans ce rêve et faire acte de mémoire d’un temps semblant si lointain et pourtant si proche. Cette comédie dramatique française est sorti au cinéma le 5 juillet 2023.
Retour en 2020
Cléo, Melvil et moi est autant une déambulation dans la psyché d’Arnaud Viard que dans la notre, les deux étant liées par un événement commun : le confinement. Le métrage est de nature introspective car nous suivons les 55 jours de la vie du réalisateur lors de cette étrange période.
Autofictionnel, le film l’est entièrement car il a été tourné in situ dans l’appartement du réalisateur avec ses propres enfants. De plus, le film est ponctué d’une voix off lisant le livre qu’écrit Arnaud, un roman dont le sujet est naturellement lui-même.
S’y dégage de tous ces éléments biographiques une touchante authenticité, comme si nous avions nous-même posé une caméra dans l’appartement d’un père et sa progéniture. De surcroît, ce sont les enfants qui donnent cet élan de vérité et de vie au film. Bien que la vie s’est éteinte dehors, leurs agissements apportent de la vitalité.
Un passé commun en noir et blanc
L’usage du noir et blanc au profit de la couleur est l’unique élément nous faisant sortir de cinéma-vérité. Ce choix est tout d’abord esthétique, le réalisateur trouvant cela « beau », mais est aussi artistique puisque cela lui rappelle le Paris de l’occupation et donc une époque passée.
Effectivement, ce Paris de 2020 est un souvenir d’un temps où tout s’était arrêté. Le film est d’ailleurs construit autour des souvenirs d’Arnaud Viard, mais aussi des notre. Bien que la situation que le réalisateur a vécue n’est pas forcément identique à la nôtre, nous nous identifions à lui puisque nous avons vécu ce souvenir commun de la France confinée.
À l’instar du personnage, nous avons aussi été enfants et nous sommes dorénavant adultes, et la relation qu’il possède avec son père nous la connaissons quasiment tous.
Pour toi papa…
Bien que l’œuvre est centrée sur lui, Arnaud Viard donne la sensation d’avoir réalisé ce film pour son géniteur. Ce dernier ayant été chirurgien, le monde médical est plus que représenté. Le contexte du métrage est bien plus qu’une évidence, toutefois ce rapprochement est aussi fait par les enfants jouant au docteur – par ailleurs en totale improvisation – et par le fait que la femme dont s’éprend Arnaud est pharmacienne.
Néanmoins, la séquence la plus forte émotionnellement du métrage en rapport avec son père ne possède aucun lien avec la médecine. Cette séquence est celle où le réalisateur se rappelle d’un souvenir avec son père où les deux regardaient à la télévision le match entre Saint-Étienne et le Dynamo Kiev.
Toute la force de ce moment vient du fait que c’est l’unique séquence en couleur de l’œuvre. Ainsi, nous sommes transportés par les mots et par les images dans ce souvenir vif où nous sentons toute l’importance qu’a cette soirée pour Arnaud. Une belle ordonnance du cœur.
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… je vais devenir meilleur
Bien que décédé, le réalisateur n’a jamais été aussi proche de son papa, lui-même étant devenu père. À chaque instant passé avec ses enfants nous sentons qu’il veut être un géniteur aussi bon que le sien, voire même meilleur.
Arnaud n’a eu de cesse de chercher l’approbation de son père et il ne l’a eu qu’à une seule reprise. En ce sens, Arnaud souhaite être un père aimant pour ses enfants, et il le montre, aussi bien par les mots que par ses actions.
Un voyage temporel cinématographique
Cléo, Melvil et moi est une œuvre aux teintes autobiographique, toutefois Arnaud Viard n’oublie aucunement de faire une œuvre cinématographique. Le réalisateur ne s’étend pas sur sa passion du cinéma, mais c’est en n’en faisant qu’il en parle.
Il propose ici une romance allant au-delà des gestes barrières qui s’accumulent. Pour retranscrire cette relation amoureuse dans un Paris vide en noir et blanc, Arnaud Viard renvoi à plusieurs pans du septième art. De Fellini – La Dolce Vita et 8 ½ en tête –, à la Nouvelle Vague, le réalisateur rend un hommage poignant aux plus grands amours passionnels du cinéma, hommage atteignant son paroxysme lors d’une danse nocturne sublime.
Un amour piégé par la nostalgie
Arnaud Viard est nostalgique du temps passé, et cela se ressent dans la nature même de cette relation. Les deux personnages la vivent tels deux adolescents se bécotant non pas dans un parc à l’abri des regards, mais au centre de Paris.
Le revers de ce voyage nostalgique est la niaiserie grandissante entre les deux. Ainsi, cela tourne à la comédie romantique classique, l’œuvre se concluant même avec un arrêt sur image de très mauvais goût.
Cléo, Melvil et moi est un cocon où nous nous entrons pour aller mieux lorsque le monde va mal. C’est un confinement consenti dans un monde lointain où pourtant nous avons vécu et où nous voudrions secrètement retourner. Grâce à Arnaud Viard il est désormais possible de le faire en s’enfermant tout simplement dans une salle de cinéma.

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