Nos cérémonies : Royan, 2011. Alors que l’été étire ses jours brûlants, deux jeunes frères, Tony et Noé, jouent au jeu de la mort et du hasard… Jusqu’à l’accident qui changera leur vie à jamais. Dix ans plus tard et désormais jeunes adultes, ils retournent à Royan et recroisent la route de Cassandre, leur amour d’enfance. Mais les frères cachent depuis tout ce temps un secret…

Nos cérémonies
Après avoir entamé une carrière dans le court, Simon Rieth se lance dans la réalisation d’un premier long-métrage traitant de l’adolescence et de la fraternité. Du haut de ses 27 ans, et de surcroît possédant un frère, le réalisateur connaît de ce fait les sujets qu’il aborde et propose ainsi un métrage aussi personnel que touchant. Ce drame fantastique est sortie le 3 mai 2023 au cinéma.
Deux frères face à la mort/l’amour
Nos cérémonies est l’histoire d’une relation fraternelle dans tout ce que cela implique, de l’amour à la rivalité. Simon Rieth est ici à la quête de l’authenticité comme nous le prouve son choix d’engager des acteurs amateurs qui, par la même occasion, sont véritablement frères en ce qui concerne les rôles de Tony et Noé. Ces deux derniers possèdent alors une relation fusionnelle quasiment innée, bien qu’elle n’arrive qu’après l’accident.
Effectivement, avant celui-ci leur relation était identique à celle d’un grand et d’un petit frère, c’est-à-dire très compétitive. Cet aspect peut s’apercevoir durant la première séquence inspirée du jidai-geki ou lors de leur course où les deux frères sont séparés par des gros plans sur leurs visages montrant leur détermination à vaincre l’autre. Suite à l’accident, leur rapport changera, les deux étant désormais liés par le secret. Ainsi, ils seront toujours ensemble dans le champ, ce qui sera symbolisé par les nombreux plans où ils se prennent dans les bras, qu’ils soient petits ou grands.
Collés l’un à l’autre à l’instar d’une photo de famille, ils seront déchirés par le retour de Cassandre. Petits, la jeune fille était déjà un sujet discorde entre les deux et dans le cas présent encore plus. Si leur relation fusionnelle est née de l’éloignement de la fille, la séquence de leurs retrouvailles va instaurer une séparation entre les trois via le cadre. Il est bon de noter qu’auparavant, avec Margot et Jade, cette division n’était pas intervenue, la caméra tournant autour des quatre jeunes de sorte que, même s’ils parlent d’autres choses, les deux frères soient toujours ensemble.
La rivalité amoureuse des débuts va revenir et va éloigner les deux hommes, Noé se rapprochant de Cassandre tandis que dans leur jeunesse c’était Tony qui était avec elle. La jeune femme va ainsi remplacer petit à petit le grand frère, en particulier dans la réalisation à l’image du long plan d’ensemble associé à un travelling avant soulignant la passion naissante entre le petit frère et la fille, procédé utilisé au préalable pour marquer le lien entre Noé et Tony.
Dans cette continuité, les plans où ces derniers sont ensemble vont alors différer comme celui où ils prennent leur petit-déjeuner et que Tony sort du champ, laissant alors Noé seul. L’aîné devient peu à un peu un boulet pour son petit frère, une ombre planant autour de lui à l’image de lorsqu’il observe son cadet avec Cassandre, sa peau vêtu de noir. Le fait est que le mal qu’a Tony contraint Noé à rester avec lui. De facto, il ne peut grandir au point qu’il ne va pas vers les filles et qu’il « préfère » pleurer sur le corps de son père tel un enfant.
Néanmoins, la situation est loin d’être plaisante pour Tony et celui-ci souhaite libérer son frère. Pour ce faire, il va transmettre ce qu’il a à Cassandre et se suicider pour que Noé s’occupe d’elle et non plus de lui. Nous ne pouvons que voir dans ce mal fantastique un mal bien réel qu’est le cancer avec l’alopécie de Tony et ces cérémonies aux allures de chimiothérapies. Par son acte final, il se place comme un malade souhaitant enlever la charge des soins à son cadet et le laisser vivre.
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Un conte allant du merveilleux au fantastique
De par la nature du mal de Tony et du pouvoir de Noé, nous ne pouvons qu’être dans un métrage à portée fantastique. L’entrée en matière du film place l’enfance des deux garçons en plein milieu d’un conte. Ce lien à ce type de récit peut s’observer par le fait que nous sommes constamment avec des enfants, effaçant de facto les parents, mais surtout par l’usage du baiser comme un moyen de faire revivre les morts. La mort est d’ailleurs vu de manière métaphorique par le biais du panoramique vers le ciel ou par le plan suivant le drame où la caméra filme à l’envers Tony, donnant ainsi la sensation qu’il est dans les cieux.
En grandissant, la vision enfantine va cependant disparaître, le retour des frères étant notamment appuyé par un flou qui les fera passer pour des fantômes. Dans cette optique, le rapport à la mort sera plus frontal particulièrement avec le décès du père, les plans sur lui étant identiques à ceux sur Tony lorsqu’il est allongé comme pour souligner son étrange statut. Le fantastique va alors prendre de plus en plus d’ampleur et atteindra son paroxysme avec les cérémonies.
La première que nous pouvons observer est réalisée en plan large accompagné d’un surcadrage. La caméra restant dans la maison, cela nous offre une porte sur l’inconnu ce qui rend d’autant plus la séquence glauque. Bien qu’il y ait à la fin toujours l’image du panoramique vers le ciel, nous avons complètement quitté le merveilleux, chose d’autant plus confirmé que nous verrons dans une autre cérémonie ce qui se passe quand Tony revient à la vie. Dans ce dernier cas, nous pourrions même regretter au vu de la suite des événements que le métrage n’aille pas plus loin et qu’il se cantonne à une vision presque magique de l’événement. En effet, du fantastique nous allons passer à l’horreur avec les vingt dernières minutes.
Dans ce final horrifique, Tony tue Cassandre dans une séquence effrayante où l’homme apparaît par surprise. La tension se poursuit avec une séquence déjà présente au début avec la dispute des parents où le chandelier bouge aux sons des bruits sourds venant de l’étage. Cette fois-ci, le cadet se retrouve seul et n’a pas son frère augmentant le son de la télévision. Il doit se confronter au nouveau monde qui l’attend : celui des adultes. Tout cela mène alors au final qui opère un retour vers le merveilleux et le conte où Noé, tel un prince charmant, sauve sa princesse en l’embrassant. Tony, étant passé du récit pour enfant au supplice mythologique, va libérer son frère de l’ignoble tâche qui lui incombait et lui offrir une vie plus simple dans un geste d’amour ultime.
Nos cérémonies est un conte merveilleux passant irrémédiablement dans un fantastique insupportable. Malgré quelques manques de maîtrise, notamment dans le mixage sonore, ce premier long-métrage de Simon Rieth reste celui d’un conteur ayant réussi à capter toute la poésie d’une relation fraternelle et tout le tragique de l’acceptation du décès d’un être cher.

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