Civil War – Alex Garland dresse une bannière enflammée

Civil War : Une équipe de journalistes parcourt les États-Unis en proie à une guerre civile sans précédent. Ces derniers ne sont alors qu’armés de leur matériel. L’armée américaine, de son côté, est chargée de tirer à vue sur les reporters.

AVIS GLOBAL

Note : 4 sur 5.

En pleine année d’élection, Alex Garland ose présenter avec Civil War une Amérique fracturée et irréconciliable. Artistiquement parlant, ce n’est pas un projet aussi audacieux qu’il n’y paraît. La tentative d’horreur psychologique avec Men s’étant révélée être un semi-échec, Alex Garland revient ainsi à son genre de prédilection pour ne pas que sa filmographie soit elle aussi fracturée en deux.

Civil War | Metropolitan Films
Civil War | Metropolitan Films

Un futur au goût de passé

Civil War traduit un mal-être américain bien réel en deuxième guerre de sécession. Ce « mal » est représenté par la scission entre démocrates et républicains poussés par un gouvernement trumpiste. Effectivement, les images de l’assaut du Capitole et des manifestations récentes nous reviennent en pleine face devant tout les actes de violence montré dans le long-métrage.

Le président américain, interprété par Nick Offerman, est le symbole de ce chaos. Il est complètement déconnecté de la situation de son pays, en témoigne la répétition de son discours totalement hors-sol faîte de côté et entrecoupé par des images d’archives de violence. Le président ne fait pas face aux problèmes et laisse sa nation dans le feu et le sang.

Le retour de bâton

Dans ce scénario dystopique, les États-Unis subissent ce qu’ils font subir aux autres pays. L’ombre du 11 septembre 2001 n’est pas loin, bien que dans ce cas cela prend des proportions différentes. Mis à part le point de vue du président, c’est l’occasion de voir le comportement du peuple face à une guerre inédite.

Ce qui en ressort principalement est que la notion de « camp » perd de son sens au fil du métrage, particulièrement lorsque nous nous aventurons dans les coins les plus désolés du pays. Nous nous retrouvons avec deux cas de figure distincts : soit le peuple vit comme si de rien n’était, soit il se désintéresse du conflit.

Concernant ce dernier point, c’est expressément parlant lorsque le groupe que nous suivons arrive dans une « décharge ». En effet, c’est ici que les personnages perdent espoir, et plus précisément Joël. Le journaliste croyait à la notion d’unité et à l’immunité journalistique. Dans les deux cas, l’homme s’est trompé et a vu de face la véritable Amérique.

Civil War | Metropolitan Films
Civil War | Metropolitan Films

L’œil de/sur l’objectif

De ces supposés deux camps s’en dégage un troisième : celui des journalistes de guerre. Ce corps de métier n’est que très rarement mis en avant dans les films de guerre alors qu’il est lui aussi au front. De ce fait, les journalistes sont eux aussi des soldats car ils sont constamment avec eux, eux aussi « shoot » et surtout ils prennent aussi de très gros risques.

De plus, les journalistes également ont un objectif sur le terrain, celui du « tir » parfait, c’est-à-dire de prendre la meilleure photographie. Dans le film, c’est évidemment le cliché du président. Le personnage faisant le lien entre ces deux groupes est Lee.

Cette dernière est prise en photo par la jeune Jessie comme si elle était une soldate. La filiation n’est toutefois pas totale car bien qu’ils possèdent une arme médiatique, ils ne tuent pas. Ce n’est pas par acte d’humanisme qu’ils le font, bien au contraire. Pour effectuer ce métier il faut être d’une extrême froideur.

La caméra insiste alors sur les yeux de Lee, puis de Jessie, pour marquer cette perte d’humanité, l’œil étant le reflet de l’âme. Pourtant, comment ne pas les comprendre ? L’image, qu’elle soit photographique ou cinématographique, est le témoin de ces terribles événements.

Une distance se créée naturellement car nous contemplons tout cela par l’œil d’un objectif et non du notre. Observer via un écran, filmer ou prendre en photo ces événements, c’est mettre fatalement de côté notre humanité.

Les journalistes du métrage, tout comme nous, se déconnectent de ce qui se passe en mettant leur appareil devant leurs yeux. Dans le métrage, ils marchent littéralement sur des cadavres pour transmettre les informations à la population.

L’humanité peut parfois revenir, mais elle est rapidement réprimée. Cette répression des sentiments est représentée dans le métrage par un flou bichromique, un effet « numérique ». À force de voir des images choquantes, nous nous y habituons bien que, dans le cas présent, elles sont percutantes par le sentiment de réalité irrationnelle qu’elles provoquent.

Grandir sous les bombes

Pour justifier son propos, Alex Garland utilise une narration toute sommes classique : celle du personnage aguerri et celui néophyte. Ce choix narratif plutôt commun nous permet cependant d’avoir une attache et surtout de voir l’évolution des deux personnages.

Lee et Jessie inversent au fil des minutes leurs rôles et quoi de mieux que le terrain pour nous le montrer. Si initialement Joël tient la jeune femme, plus tard il prend l’épaule de sa collègue de toujours. Là où Jessie débute dans la répression de son humanité, Lee, elle, se rend compte de ce qui se passe.

Ce changement débute dans la boutique où elle se voit dans le miroir ; cela se poursuit avec l’embuscade où elle observe la nature avec au fond du champ Jessie prend des photos, ne voyant pas les fleurs qui l’entourent ; enfin, le moment le plus parlant est lorsqu’elle est tétanisée tout comme la jeune femme au début.

Il est commun de dire : « Plus c’est loin, moins ça nous regarde ». Dans le film, Lee vit ce qu’elle a vécu loin de chez elle dans son propre pays. Elle se met certes dans la peau de Jessie, mais elle se met aussi dans la nôtre, car ce qui se passe est totalement dingue et Alex Garland a réussi à nous faire croire à cette folie.

Civil War | Metropolitan Films
Civil War | Metropolitan Films

Une guerre civile Bis

Le postulat de Civil War, bien que porté extrêmement bien à l’écran par Alex Garland, peut initialement nous faire penser à un film de série B. Le réalisateur nous lancerait au milieu du visionnage que les États-Unis font face à une attaque extraterrestre ou à une horde de zombies que nous le croirions.

Le métrage joue d’ailleurs avec ça avec des plans de ville et de plaine banales précédant la vision d’éléments perturbateurs tels que de la fumée ou des tirs. À la campagne c’est d’autant plus percutant car l’aspect série B est accentué par des images que nous reconnaissons.

Le plan de l’autoroute est par exemple une image forte digne d’un film post-apocalyptique ou de zombie. En jouant avec notre connaissance de ces codes, Alex Garland présente l’Amérique de George Romero prenant vie par les traits des soldats et des tanks, et non pas par des morts-vivants.

Les humains sont les causes de ce grand désastre avec la particularité d’être plus effrayants que des créatures fantastiques car celles-ci ne peuvent pénétrer la réalité à l’inverse de l’Homme.

Si Civil War est bel et bien la dernière réalisation d’Alex Garland, il est alors fondamental de suivre ses enseignements. Le film est un message d’alerte, à l’instar de celui porté par ces reporters de guerre. À voir dorénavant si nous pouvons le comprendre.

17 avril 2024 en salle | 2h 49min | Action, Thriller

De Alex Garland | Par Alex Garland

Avec Kirsten Dunst, Wagne Moura, Cailee Spaeny

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