Chienne de Rouge : Une femme se réveille un matin avec ce désir, filmer du sang. Dans Paris, sa ville, elle fait des rencontres : un convoyeur, une greffeuse, une chimère… Et puis elle se souvient d’un procès qu’elle a suivi il y a longtemps. Le procès du sang contaminé. Pendant ce temps, au fond d’une forêt, une chienne mène sa traque.
AVIS GLOBAL
De 1994 à 2004, Yamina Zoutat fut chroniqueuse judiciaire pour TF1. Elle couvrit à cet effet nombre de procès pour la chaîne télévisée, dont un qui marqua sa vie au point de devenir le sujet principal d’un documentaire : l’affaire du sang contaminé. Ce documentaire sort au cinéma le 14 février 2024.

Une femme assoiffée de sang
Chienne de Rouge possède comme postulat de départ le procès du sang contaminé pour aller jusqu’à explorer tout ce que peut représenter ce liquide rougeâtre dans notre monde. La guerre, l’hôpital, l’héritage, etc. Le sang qui se terre dans notre corps est en fait partout.
Le documentaire né aussi du fait que Yamina Zoutat a été, à l’époque du scandale, contrainte de ne pas filmer de sang, qu’il soit au sens propre ou au figuré.
C’est ainsi qu’elle va mettre un terme à sa frustration en montrant le liquide sous toutes ses formes, de ses globules rouges microscopiques, jusqu’à même modifier l’image en insérant des filtres vermeil pour y marquer sa présence. Si le sang est partout dans notre monde, il l’est aussi dans ce documentaire.
Une question de vie et de mort
Le sang possède un rôle vital, toutefois la journaliste souligne sa terrible ambivalence. S’il peut donner la vie via des greffes, il peut aussi nous la retirer comme en témoigne le sida. Le procès du sang contaminé fut un témoignage cinglant de ce dernier aspect.
L’ancienne chroniqueuse, avec cette œuvre, souhaite ainsi démêler tous ses secrets et faire, en quelque sorte, « couler le sang ». Toujours dans une question de modifier l’image, elle fait passer ses messages par le montage. La cinéaste utilise des images d’archives ou des extraits de films pour renforcer son propos.
La séquence la plus parlante est celle où elle énumère des mots prononcés durant le procès, puis elle nous montre une chasse à la baleine, avant de finalement projeter à l’écran les photos des victimes qui n’ont pas été présents durant l’événement.
Ce montage si symbolique montre tout simplement que le procès a davantage tourné autour du facteur économique que celui humain. La preuve ultime de cette soif de profit est le fait que le procès s’est déroulé dans une salle inadéquate. De surcroît, elle a été par la suite vendue à des Qataris.
Dorénavant, ce bâtiment a été vidé de son sang, l’unique trace restante encore visible étant les rideaux accrochés aux fenêtres d’un rouge incandescent.

Vampires et autres créatures mythiques
Yamina Zoutat suit le sang tel l’animal dont elle fait référence dans le titre. Le documentaire offre un montage parallèle entre la journaliste et la chienne de rouge, les deux se confondant et ne faisant plus qu’un.
Aussi bien dans la forêt que dans un hôpital, la journaliste suit à la trace le liquide vital. Plus qu’un animal, elle devient un vampire, assimilation totalement avouée par la présence fugace de Nosferatu. Telle la créature légendaire, elle parcourt la nuit les rues et hôpitaux parisiens à la recherche de sang.
Cela en devient même obsessionnel, la caméra se calquant à ses désirs en filmant les veines ou la boite remplis de poches de sang que le convoyeur tient en main. L’ancienne chroniqueuse n’est pas devenue un vampire, mais elle l’a toujours été.
La femme est une chimère, c’est-à-dire qu’à l’instar d’Isabelle dans le documentaire, elle ne possède pas le sang de ses parents, mais celui d’un autre.
Le droit du sang
Cette quête du sang se transforme peu à peu en quête personnelle et introspective. La question de l’héritage est centrale car le sang qui coule dans nos veines est celui de nos parents et il porte en lui toute leur histoire.
La notion de transmission est alors abordé avec la greffeuse, celle-ci étant fille d’immigrés vietnamiens et possédant elle-même un enfant métis, et le convoyeur qui est le premier de sa famille à se marier une femme d’une autre culture.
En possédant un autre sang que celui de nos parents, faisons-nous toujours parti de cette histoire ? Possédons-nous aussi l’héritage du donneur ? Le documentaire donne des éléments de réponses via Isabelle.
Cette dernière, en recevant le sang d’une Allemande, a fait la paix avec le passé de sa propre famille déportée à Auschwitz. Cette greffe ne l’a pas changée, mais l’a aidé à mieux se connaître. Au cours de ce périple, Yamina Zoutat va opérer le même parcours en redevant « humaine ».
Dans Chienne de Rouge, Yamina Zoutat fait sien du sujet et dépasse sa longue frustration. En assouvissant sa soif de sang elle va mettre au jour ce liquide si précieux enfoui dans nos veines. Toutefois, et à l’image des globules rouges dans notre corps, le documentaire tourne rapidement en rond en revenant sur des sujets déjà traités. La journaliste semble avoir été aveuglée par tout ce sang.
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