Master Gardener : Narvel est un horticulteur dévoué aux jardins de la très raffinée Mme Haverhill. Mais lorsque son employeuse l’oblige à prendre sa petite-nièce Maya comme apprentie, le chaos s’installe, révélant ainsi les sombres secrets du passé de Narvel…

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Master Gardener
La recherche de la rédemption est une obsession récente de Paul Schrader. Master Gardener est la troisième œuvre de suite où cette quête est l’élément central de l’intrigue. Ayant mis de sa vie dans le scénario de Taxi Driver, nous ne pouvons qu’y voir la volonté du réalisateur de lui-même rechercher cette rédemption. Il serait maintenant intéressant de savoir si après ce troisième essai le réalisateur traite ce thème avec toujours autant de maestria. Ce drame américain est sorti au cinéme le 5 juillet 2023.
Le soldat sous la salopette
Narvel Roth est un ancien skinhead devenu horticulteur pour Norma Haverhill, la propriétaire d’une villa. Les premières minutes du métrage ont pour but de présenter le personnage et son lieu de travail.
Nous pouvons constater que tout est symétrique et encadré, en allant des décors au montage. Il est de même pour Narvel qui est montré comme quelqu’un de méticuleux, sérieux et très impliqué dans son travail. Néanmoins, la découverte de ses tatouages va changer partiellement la vision que nous avions de ce début.
Le côté symétrique renvoi alors à l’iconographie nazi – appuyée par le style vestimentaire et capillaire du personnage – et les règles que s’imposent Narvel se rapproche d’une discipline militaire. Norma apparaît alors ici comme un colonel assimilé par son papier peint à une méduse : il ne faut l’approcher sous risque de se faire piquer.
La tendance « nazie » du personnage est même soulignée par le fait qu’elle possède un Luger volé durant la guerre par un de ses parents. En tant que cheffe militaire, elle donne des ordres à son horticulteur à l’image de la séquence dans la chambre où l’homme exécute les désirs de la femme tel un soldat.
Nous comprenons ainsi que bien qu’il se soit repenti, il ne s’est pas véritablement échappé de son passé, le germe étant toujours présente en lui. C’est d’autant plus perceptible qu’à la découverte de ses tatouages, le montage dévie de sa ligne directrice avec des flashbacks succincts venant perturber le personnage dans son sommeil. Malgré tout ses efforts, Narvel n’est pas en paix.
Le germe manquant
L’entrée de Maya dans le métrage provoque un changement radical dans la vie de l’horticulteur car elle est le germe d’amour dont il a besoin pour aller de l’avant.
Avec elle, nous aurons une séquence identique à celle de la chambre avec Norma, à la différence qu’elle se conclura pas un rapprochement physique sincère. Narvel la sentira comme lorsqu’il sentait du terreau. Nous pouvons y voir dans cette image un homme ayant au préalable fait un avec le monde qui l’entoure et dorénavant l’ayant fait avec l’humanité par le biais de Maya.
Le jardin dans lequel il travaillait lui a fait du bien, toutefois c’était un jardin français trop encadré qui l’empêchait de retrouver totalement sa liberté. C’était une simple couche d’arbustes et de fleurs recouvrant ses mauvaises herbes.
Être à ses côtés permet ainsi de se désenraciner. Cela a été un déclic pour lui comme l’indique le moment où il se met à écrire torse nu. Par ce geste, il brise la carapace qu’il s’est créée et lui dévoile son passé.
Tout raser pour planter de nouvelles graines
C’est totalement épanouie – comme en témoigne une séquence totalement onirique – que se produira un drame.
Ce dernier mettra à nu la peau de Narvel et révéler son passé. Ce sera un événement douloureux, toutefois ce sera l’occasion pour l’horticulteur de définitivement passer à autre chose.
Il va agir une dernière fois comme avant, en prenant la précaution de ne pas utiliser le Luger, dans l’optique d’aller de l’avant et de libérer aussi Maya. Il va alors avoir l’objectif d’arracher les mauvaises herbes sur sa peau pour pouvoir replanter un nouveau jardin main dans la main avec la jeune femme.
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Le droit de changer ses pétales
Schrader offre une belle œuvre sur le fait que le passé ne détermine pas ce que nous serons dans le futur. Cependant, il est vrai que le réalisateur n’y va pas à la serpe mais au tracteur en particulier via les flashbacks ou par le fait que Maya soit métisse pour montrer que l’horticulteur aide une personne qu’il aurait détesté avant.
Néanmoins, là où tire Master Gardener son originalité est le fait que Narvel est déjà réhabilité. Nous n’avons le parcours classique du pardon et du repentir, l’homme ayant déjà fait ces démarches. Certes, il a fait des choses horribles, mais il est devenu quelqu’un d’autre et nous ne pouvons le détester pour ça.
C’est d’ailleurs le piège dans lequel s’embourbe le métrage car en n’ayant aucune aversion envers lui, l’utilité des flashbacks en devient nulle – ses tatouages parlant déjà pour lui – puisque malgré ce qu’il a pu faire notre avis sur lui ne changera jamais.
Devenir meilleur
Maya apparaît ici pour être l’avatar du spectateur. Nous découvrons son passé dans les mêmes conditions qu’elle et nous suivons son parcours. Ce qui lie autant la jeune femme à l’horticulteur que nous avec lui est le fait que nous possédons aussi des mauvaises herbes sur sa peau.
Dans le cas de la jeune femme, Narvel est celui devant les couper et y faire grandir une fleur. En le faisant, ils grandissent ensemble car une fleur a besoin d’un jardinier, et inversement. Il est de même pour le spectateur qui voit en cette relation privilégiée l’espoir de devenir une plante sans ronces.
Dans une époque où chaque faute nous colle à la peau, cela fait le plus grand bien de voir un film de cette trempe où le droit au pardon et le pouvoir de retirer les germes de nos erreurs est possible. Master Gardener n’est toutefois pas un jardin parfait, mais c’est dans ses imperfections qu’il en tire ses plus belles fleurs aux noms de Narvel et Maya.

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