Le cours de la vie : Noémie retrouve Vincent, son amour de jeunesse, dans l’école de cinéma dont il est désormais directeur. A travers une masterclass hors norme, elle va apprendre à Vincent et ses élèves que l’art d’écrire un scénario c’est l’art de vivre passionnément.

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Le cours de la vie
Frédéric Sojcher s’inspire d’Atelier d’écriture de l’écrivain Alain Layrac également scénariste de cette comédie dramatique. Avec Agnès Jaoui, Jonathan Zaccaï et Géraldine Nakache (jouant dans La Flamme) en rôles principaux, Le Cours de la Vie s’offre une distribution attractive.
Une chose est certaine quand on est devant ce film, on reste dans le sol connu pendant son déroulé. À aucun moment il n’aspire à incorporer l’audace ni du moins à la suggérer vaguement. Cette normalité met à jour une incompréhension du mentir-vrai, et de l’ordinaire au cinéma.
Un écran de fumée envahissant
L’écriture convoque bon nombre de poncifs. Ce sont des clichés qui, dans le langage artistique, représentent une captation immobile. Dans le sens qui nous est bien connu aussi, parce qu’ils sont une illustration de l’essentialisation collective, qui est par nature étroite et gelée. Par conséquent, une préoccupation énorme émerge: le cinéma, l’art du mouvement (ou au moins de son mensonge) est l’extension vivifiée de la photographie bloquée dans sa fixité. Il explore la continuité ou la discontinuité, en tout cas il s’occupe toujours de l’évolution, s’ancrer dans des banalités d’écriture est donc un acte profondément anti-cinégénique. Étant donné que, dans un cas de représentation classique des clichés, un film met en scène des images trafiquées de la réalité, qu’il prétend atteindre qui plus est. Les figures archétypales si elles ne sont pas remaniées, ne restent que de simples objets de scénario dévitalisés, en totale contradiction avec la vitalité et vivacité de leur médium. En cela, il nous est légitimes de nous questionner quant à la juste manière d’investir des lieux communs au sein de longs-métrages de fiction à notre ère ? Une chose est sûre : la juste manière n’est pas celle du scénariste Alain Layrac.
Nicolas Boileau écrivait “Rien n’est beau que le vrai: le vrai seul est aimable […]. De toute fiction l’adroite fausseté ne tend qu’à faire briller la vérité”. Nous sommes en droit de nous demander où paraît la vérité dans toute sa plénitude, au sein un triangle amoureux, dont la composition ne s’inscrit que dans une réécriture formelle et non substantielle d’une convention romancière à bout de souffle. Ce film n’est que le simulacre de ses madeleines de Proust. Dans son approche textuelle, le scénariste aime à superposer différents maux ou questionnements sociaux dans un tout-venant qui se voudrait aimable. Sauf que l’amas assomme quand l’unicité interpelle : traiter de non-binarité, de bourgeoisie, d’ascendance relationnelle, de résilience, de magnétisme amoureux, d’impossibilité amoureuse, d’inconfiance en soi et de perspective artistique d’un être au monde, au même seuil de développement est un marqueur d’intempestivité. La tonalité comique bien que plaisante finit d’achever le traitement thématique de l’œuvre qui ne touche qu’une parcelle de ses sujets à force de les incorporer dans une safe-place étouffante et régressive intellectuellement.
Le Cours de La Vie représente la fiction dans toute sa vulgarité excluante vis-à-vis du spectateur, qui se recroqueville dans son monde en dépit de comprendre celui qu’habite son auditoire. Un “feel-good movie” qui s’empare grossièrement de sujets en dehors de sa portée. Plus grave encore, il se pense là où il n’est pas : dans la réalité. En temps que film de fiction, il ne satisfait pas sa caractéristique éminente de mentir-vrai puisqu’au lieu d’atteindre la beauté de l’ordinaire, il s’accroche à la laideur de l’ordinaire cinématographique.
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Si on s’en tient à ce qui est visible, on produit un téléfilm
Eugène Green écrivait : “La mystique et le cinématographe ont comme vocation la connaissance de ce qui caché dans le visible”. Dans un film avec une colorimétrie si banale, une réalisation si standardisée, une mise en scène presque insignifiante et des choix esthétiques si limités, il est difficile de percevoir toute forme d’apparence de ce qui est invisible dans le visible. On semble être face à une proposition sclérosée au summum, d’une raideur complètement endormante, rares sont les films si maigres de fougue. Cependant, ce matériel filmique montre très clairement son intention de jongler entre plusieurs estrades de fiction, à travers la signification des ratios, et des basculements entre ceux-ci, avec une idée de dualité esthétique. Mais le dysfonctionnement apparaît au moment même où l’idée gèle, n’a rien à dire, et n’est plus édifiante, c’est-à-dire à partir de la seconde utilisation du 1,33. Après, soit durant 120 minutes, les personnages ne jouent plus des personnages archétypaux, ils le sont à leur première estrade, ce qui les rend dès lors insignifiants, et puisque cette proposition est anthropocentrique l’ensemble de celle-ci s’insignifie. En dehors de ce procédé, rien n’est vecteur d’art, tout se soustrait à l’ordinaire cinématographique.
C’est justement l’ordinaire cinématographique, qui ne permet en rien de croire à ce conte, qui n’est un reliquat de reliquat. Tout perd de sa valeur sensitive, au profit d’une décision arbitraire et très conformiste de se placer sous l’ordre narratif. Rien n’est, tout parait. Le souffle dramatique final est d’une facticité absolument incroyable, la relation entre Noémie et Vincent de même. Le cinématographe qui est par essence, l’art de la fausseté puisqu’il fait croire, utilise des trucages, ne doit jamais s’effacer dans une telle artificialité au risque de perdre son spectateur et de l’enfermer dans une zone d’apathie totale. Sauf si un auteur commente cette zone de flou, ce qui n’est à aucun moment le cas ici. Nous faisons donc face à une non-proposition qui feint d’en être une, en agitant imbécilement un effet de style exubérant et outrancier en guise d’objet signifiant de réalisation, en nous montrant la pauvreté de son œuvre. Il n’y a aucune place laissée à l’inconnu, à l’étrange, à la singularité : tout est conforme. Puisqu’il n’y a là ni spectacle ni vérité, nous sommes en droit de décrire cette création invisible de téléfilm dans lequel n’existe aucune forme d’habilité. Il y a juste des images, aucune image juste.

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