Ramona fait son cinéma – La Nouvelle Vague continue de vivre en Espagne

Ramona fait son cinéma | UFO Distribution

Ramona fait son cinéma : De retour à Madrid avec son petit ami Nico, Ramona veut tenter sa chance comme actrice. La veille d’une première audition, elle fait une rencontre pleine de promesses. Elle ne se doute pas que celle-ci va chambouler ses rêves et ses certitudes.

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Ramona fait son cinéma

Note : 4 sur 5.

Après avoir fait le tour des festivals, le premier long-métrage d’Andrea Bagney arrive dans nos salles françaises. La diffusion de ce film espagnol indépendant en France est presque naturelle tellement l’héritage cinématographique de l’hexagone se fait ressentir dans le métrage. Néanmoins, est-ce assez pour satisfaire le public français ? Cette comédie dramatique espagnole est sorti de 17 mai 2023 au cinéma.

Le film de la vie

Ramona fait son cinéma conte l’histoire d’une femme souhaitant devenir actrice, toutefois, sa vie est elle-même une fiction. Le métrage est tourné en noir et blanc avec un format se rapprochant du 16mm et un effet de pellicule apporté à l’image. De par ces choix, nous nous rapprochons du cinéma-vérité, c’est-à-dire proche de la réalité bien que nous savons qu’il en est loin. Pour renforcer cela, le métrage est carrément découpé en actes, soulignant ainsi l’évolution du personnage au fil des péripéties. L’utilisation du mot « personnage » n’est ici pas anodine car Ramona joue un rôle.

L’un des principaux propos du film est le fait d’extérioriser ses pensées et de ne pas tout garder en soi, chose que la femme ne fait absolument pas. C’est ce qui va mettre à mal ses relations, notamment celle avec Bruno. Cela nous offre une vision naturaliste du rejet amoureux comme en témoigne le premier acte. Leur rencontre est au début coupé en plusieurs plans avec des champs/contrechamps marquants la distance entre eux. Ensuite, en se désinhibant avec l’alcool, les deux vont se rapprocher, chose d’autant plus accentuée par les longs plans fixes sur eux discutant de choses diverses et variées. Bien que cet effet donne du réalisme et souligne l’alchimie entre les deux, la fin de l’acte va reprendre là où il avait débuté. Effectivement, la réalisation basée sur des champs/contrechamps fera son retour dès que Ramona annoncera qu’elle est déjà en couple. Dès cette séquence, elle n’est pas honnête avec ses sentiments, chose qui se confirmera au fil du visionnage.

Mis à part ses relations, elle n’exprime pas ses désirs même dans ses passions. Nous comprenons ce qu’elle aime via le peu de chose qu’elle dit sur elles, mais surtout par la réalisation. La musique est très importante pour la femme, et c’est retranscrit dans le film par le fait que les séquences de danses forment des bulles douces totalement différentes du reste. Cette sensation est aussi appuyée par le fait que le métrage fait ponctuellement appel à quelques musiques calmes. Néanmoins, dans les deux cas ces séquences de paix sont brusquement coupées comme si nous l’obligions à ne jamais être elle-même et à tenir son rôle.

De plus, Ramona est aussi une femme souffrant du fait qu’elle ait dû grandir plus vite que les autres, chose qu’elle ne souhaite pas. En effet, elle ne veut pas être rangée dans une case et respecter les normes de la société actuelle. Cela est visible lorsqu’elle quitte une fête de trentenaire pour aller en boîte et s’amuser comme une jeune femme de vingt ans. Toute cette liberté, elle ne pourra la retrouver qu’a de rares occasions, en particulier avec Bruno. Néanmoins, ne pouvant se libérer totalement de son rôle, elle vivra une relation ainsi une relation tumultueuse avec celui-ci. Tout ce qu’elle ne pourra pas dire ou ne pourra pas faire, le langage cinématographique le fera à sa place par le biais de mouvements de caméra étranges pour un métrage si statique.

Les uniques fois où Ramona parle à cœur ouvert sont durant les séquences en couleur. Ces moments sont ceux où la caméra existe, que ce soit pour un casting ou une répétition. Ce sont les moments les plus vrais du film voire même les plus touchants, la femme se confiant et dévoilant son vrai visage en face caméra. Le film du film sera même filmé en couleur ce qui va créer un parallèle entre celui-ci et la vie des personnages. La séquence du tournage se rapproche ainsi de ce que vit Ramona, toutefois elle est le témoin d’un futur possible qui n’arrivera pas.

Ce ne sera qu’à la toute fin que Ramona sortira de son rôle via un plan d’une expressivité rare, un plan semblant être tiré d’un film français des années 1960.

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L’ombre de Godard

De par sa réalisation et son intrigue amoureuse, Ramona fait son cinéma ne peut que nous faire penser à une œuvre de la Nouvelle Vague. Le rapprochement avec ce courant peut se vérifier via l’usage de plusieurs procédés inhérents à celui-ci tels que les jumps cuts récurrents, la musique se coupant sans prévenir ou les tournages en extérieurs.

Nous pouvons aisément le rapprocher à films de cette période : la perruque blonde est tirée de Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda où Anna Karina apparaît vêtue de cet accessoire ; le découpage en actes nous fait évidemment penser à Vivre sa vie de Jean-Luc Godard avec entre autres une inspiration dans la réalisation ; les décors peints lors des séquences en couleur marquent l’attrait du réalisateur français pour la peinture, notamment espagnole, que nous pouvons retrouver dans Pierrot le fou ; enfin, l’affiche elle-même semble être une d’un métrage de la Nouvelle Vague, et est inspiré par celle d’une Femme est une femme particulièrement dans la dualité entre les deux prétendants de Ramona.

À vrai dire, nous sommes complètement dans un film de Jean-Luc Godard où Lourdes Hernandez serait Anna Karina. Bruno est purement un cinéaste de la Nouvelle Vague par le fait qu’il choisit d’instinct ses acteurs même s’ils sont amateurs, et qu’il n’a pas de ligne directrice. Il se comporte presque comme Gérard dans Paris nous appartient de Jacques Rivette. Concernant Ramona, le lien avec la fameuse actrice en est même troublant, notamment dans un gros plan sur son visage où nous ne pouvons que penser à la muse. Ainsi, la relation entre Bruno et Ramona peut s’apparenter à celle entre Godard et Anna Karina bien qu’elle n’est pas le même parcours.

Au-delà de ce courant, nous pouvons relever la grande influence qu’a eue Frances Ha de Noah Baumbach sur le métrage, mais aussi celle de Brève Rencontre de David Lean. Nous pouvons malgré tout regretter que le film d’Andrea Bagney n’ait pas la même radicalité qu’une œuvre de Godard et qu’il soit autant tiraillé par ses différentes influences. Cela est le signe d’une cinéaste se cherchant pour son premier long-métrage et s’emmêlant dans ses inspirations, des soucis qui disparaîtront sans doute au fil des réalisations, cette première œuvre étant très prometteuse pour l’avenir.

Sortie durant le festival de Cannes, ce film possède des palmiers cannois, mais ceux des années 1960. Ramona fait son cinéma est une première œuvre touchante qui ne peut que plaire au public français qui se retrouvera dans toutes ces références. Le métrage est cependant perfectible, notamment sur l’usage de ses inspirations, toutefois nous ressentons l’amour qu’a Andrea Bagney pour elles, en espérant que dans le futur elle puisse s’en détacher.

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