Babylon : Los Angeles des années 1920. Récit d’une ambition démesurée et d’excès les plus fous, BABYLON retrace l’ascension et la chute de différents personnages lors de la création d’Hollywood, une ère de décadence et de dépravation sans limites.

Babylon
À moins de 40 ans, Damien Chazelle nous livre ce qui ressemble déjà à son œuvre somme, son film ultime avec tous ses désirs et intentions rêvés : sa plus grand déclaration d’amour au cinéma ! Whiplash était une leçon de huis-clos, La La Land une leçon de comédie musicale, First man une leçon d’Histoire, Babylon est une leçon de Cinéma. Ce drame historique américain sort le 18 janvier 2023 en salle.
Babylon ou le rêve d’un cinéaste
Babylon regroupe tout, sublime tout.
On retrouvait déjà les prémices de La La Land dans Whiplash, et ici on retrouve de manière évidente les prémices de Babylon dans La La Land : ce goût pour la grande fresque, pour les scènes de fêtes de grandes ampleurs, pour les parcours oniriques au sein des plateaux de cinéma, pour les pauses extradiégétiques et surtout pour ces introspections métafilmiques de se retrouver devant un écran de cinéma.
On sent dès la séquence d’ouverture psychédélique et déchainée (d’une ampleur et d’une ambition sans nom) que le cinéaste est enfin arrivé à maturité pour mettre en scène l’histoire qu’il voulait raconter depuis toujours et proposer une œuvre où absolument toutes ses envies et tous ses fantasmes n’auront de limites que son amour pour le cinéma, c’est-à-dire aucune.
En sortant de la projection, j’étais sous un choc traumatique, je venais d’assister au mariage ou plutôt à l’enfantement d’une union invraisemblable du Loup de Wall Street, Gatsby le magnifique, Once upon a time in Hollywood, Moulin rouge, La La Land, Eyes wide shut, Chantons sous la pluie, Whiplash, The Aviator et Irréversible. La scène de fin m’a anéanti à tous les niveaux au point de devenir instantanément ma séquence finale préférée de tous les temps, mais nous y reviendrons plus tard…

Babylon une époque qui émerveille
Pourquoi Babylon est une réussite absolument majeure et explose même toutes ses volontés et attentes ?
Car chaque paramètre, chaque intention, chaque détail (minime ou gigantesque) mis en place et chaque parcelle du film, de la première à la dernière seconde, fonctionne en déflagrant tous sur son passage, et sublimant chaque idée instaurée le plan d’avant.
Pour cette relecture historique de cette période charnière du cinéma, Damien Chazelle n’essaye pas de lisser, d’édulcorer ou de cacher les défauts et décadences de cette époque et de ses pratiques. De par son extraversion photographique (avec un travail sur la lumière exacerbé), de mise en scène (avec des séquences étirées à leur paroxysme ou une inventivité spécifique de l’utilisation du montage alterné) et de composition (comparable à une carte blanche musicale absolue, dont on reviendra plus tard), l’idée du cinéaste est donc clairement de n’épargner personne, de ne pas cacher les tabous et mettre en lumière les maux d’une société malade, faisant face à une révolution en approche avec l’arrivée du parlant, et ne sachant pas comment y faire face.
Chazelle sort donc d’un style assez poli, politiquement correct et « bon gendre » dans La La Land pour réussir à se réinventer et proposer une expérience cinématographique nouvelle, sans se reposer sur ses lauriers et bien au contraire…

Babylon ébloui par son casting
Ce qui fait l’ADN et l’identité de ce film est sa loufoquerie, son jusqu’au-boutisme ainsi que sa radicalité pour le moins terrifiante, et quel en est son symbole naturellement attitré ? Sans aucun doute le personnage totalement déjanté et haut en couleur campé par notre tendre Tobey Maguire, qui sort de son image de « nice-guy, super-héros », pour incarner la figure ultime du mal, de la dépravation et de l’excès quasi Jokerienne. C’est de là que né une idée de génie de l’esprit de Chazelle, de prendre à contrepied total les spectateurs en choisissant l’acteur que personne n’aurait imaginé dans ce rôle précis, il fallait oser…
Comme nous avons mis un premier pied dedans, venons-en alors au casting. Brad Pitt et Margot Robbie dans les rôles principaux, c’était une assurance tous risques, pourtant, quelque chose de fou s’est produit. Un troisième acteur, inconnu au bataillon (comme le personnage qu’il incarnera à l’écran d’ailleurs), du nom de Diego Calva, débarque aux côtés de ces 2 stars absolues et de sa première apparition jusqu’à sa dernière, porte et soutient le film sur ses épaules d’une manière phénoménale et édifiante ! Il en vient même à éclipser ses partenaires à certains moments, sauf que…
Oui car il y a un mais, Diego Calva nous livre une prestation gigantesque méritant amplement une nomination aux Oscars, sauf qu’à côté de lui se trouve Brad Pitt, qui comme à son habitude livre une performance sans faute, mais surtout, Madame, pardon, Lady Margot Robbie, qui nous impose viscéralement son plus grand personnage et son interprétation la plus folle de sa carrière, et de très loin ! Elle irradie le film de son charisme, de la manière dont elle s’empare intégralement du personnage de Nelly (au stade de se questionner si cette personne a réellement existée…).
Emma stone avait déjà brillamment joué une « actrice » dans La La Land mais Robbie ici, dans Babylon, pousse le concept métafilmique et narratif encore et toujours plus loin… De la même manière que Nelly est née pour être une star, Margot Robbie est née pour ce rôle, pour ce film, elle en est le plus parfait des symboles, l’ultime visage !

Babylon ou le rêve d’un cinéaste
Ce n’est pas pour rien que Chazelle a demandé à son monteur, Tom Cross, de couper sur Margot s’il avait le moindre doute dans le montage de la gargantuesque scène de fête d’ouverture…
En parlant de montage, avant de commencer à monter le film, le cinéaste oscarisé a demandé à Tom Cross que le film ressemble à Whiplash et au Loup de Wall Street. Premièrement, l’intention est parfaitement respectée et cela prouve de quelle manière Chazelle arrive à exprimer et faire comprendre ses idées avec son équipe, et deuxièmement, la démarche de Damien derrière ça est, selon moi, très intelligente et cohérente. Whiplash étant le modèle absolu du huis-clos infernal, obsessionnel et psychologique, où une guerre démesurée se livre dans à peine un 50m2, et le Loup de Wall Street étant une si grande maestria de grande fresque démesurée sur le succès, ses abus, ses dérives et ses débandades, vouloir un résultat final convoquant et invoquant ces 2 œuvres-ci démontre que le réalisateur savait très bien ce qu’il faisait et que le résultat final n’en devient tout sauf un chanceux hasard !
Mu…musi…musique… vous avez parlé de musique ? Est-ce vraiment nécessaire de parler de la bande-originale de Babylon ? Babylon n’aurait pas cette ampleur, ce rythme et cette efficacité endiablée sans une bande-originale, de l’ami de toujours du cinéaste, Justin Hurwitz, tutoyant les étoiles et les plus grandes BO de l’histoire… oui je n’ai pas peur de le dire ! En plus de créer une bande originale parfaite de bout en bout, exorcisant chaque séquence, chaque scène, chaque plan et l’emmenant vers une autre sphère, une sphère hors de ce monde, le compositeur a créé, pour sa scène finale, un morceau, une composition… je n’ai pas les mots pour la décrire, je pense simplement que les mots que je cherche n’existent pas…
Et donc finissons par cette scène finale du film, dont nous avions vu les prémices dans celle de La La Land, où Damien Chazelle, se transposant l’espace d’un instant dans la peau du personnage de Manny, nous livre son plus bel et ultime hommage au Cinéma ! L’art de mettre en pause son récit, arrêter le temps, sortir momentanément de sa diégèse, pour proposer quelque chose de plus grand…
Dans cette bulle cinématographique où les réalités se confondent, l’œuvre prend une nouvelle dimension, se sublime et se transcende. Puis, quand cette rêverie Chazelienne s’arrête, à la seconde où elle prend fin, elle nous obsède déjà. Elle nous obsède et révèle enfin la nature profonde du film, telle la dernière pièce d’un puzzle qui nous était vitale et essentielle mais dont nous ignorions l’existence et l’utilité.
Chazelle, en ultime prestidigitateur, soulève le rideau pour révéler cette pièce manquante, et comme par magie, tout prend sens…Les images défilant à nos yeux et aux yeux de Manny, de Chantons sous la pluie à Avatar en passant par Matrix, nous rappelle pourquoi on chéri tant le 7ème art…
Voilà à quel moment le Cinéma devient plus…
Voilà à quel moment le Cinéma devient TOUT !

Babylon | Paramount Pictures France
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