Premier long-métrage de Giulio Callegari, Un Monde merveilleux est une œuvre à la fois tendre, comique et mélancolique qui explore, à hauteur d’humain, notre rapport grandissant aux machines. Présenté dans de nombreux festivals, de Saint-Jean-de-Luz à Fort Lauderdale, ce film audacieux confirme une voix singulière dans le paysage du cinéma français.
Une genèse entre robotique et burlesque
C’est une vidéo d’un robot en panne au MIT qui a donné naissance à l’idée du film. Ce robot, déréglé, balance tout autour de lui avant de s’écrouler : une scène que Callegari rapproche des Temps modernes de Chaplin. Dans cette absurdité mécanique, il voit un potentiel comique et émouvant. Ainsi naît T-O, le robot maladroit et attachant qui accompagne l’héroïne du film.
Callegari ne cherche pas à humaniser la machine, mais à la rendre expressive à travers le corps et la voix. T-O est joué par des comédiennes en costume, inspirées par les techniques du clown et du masque, et sa voix – volontairement neutre et un peu décalée – a été créée à partir de celles d’Angélique Flaugère et Lucie Guien, avant d’être modifiée numériquement.
Entre satire sociale et comédie vintage
Le réalisateur puise dans un large spectre d’influences : la relation enfant/adulte de Gloria de Cassavetes, les tandems bancals de Paper Moon, le burlesque de Chaplin, mais aussi l’humour de Francis Veber. Le tout est injecté dans une esthétique artisanale rappelant Michel Gondry ou Spike Jonze : pas d’effets spéciaux clinquants ici, mais des robots en carton-pâte et un futur au rabais, où l’espace public reste délabré malgré les avancées technologiques privées.
Le décor est ainsi fait de contrastes : des optiques vintage pour contrebalancer les surfaces froides, une caméra à l’épaule pour casser la rigidité des machines, et un steelpan haïtien (instrument rare dans une B.O. de SF) pour accompagner l’étrangeté de l’aventure.
Blanche Gardin, au cœur du dispositif
Comédienne principale mais aussi co-scénariste, Blanche Gardin insuffle au film une mélancolie douce-amère et un humour caustique qui font mouche. Elle retrouve Callegari après Selfie, et leur complicité se ressent dans l’écriture, qui oscille entre satire sociale, émotion contenue et absurde poétique.
Autour d’elle, un casting venu de la scène plutôt que du cinéma : Arnaud Aymard, Fred Blin, Delphine Baril ou Augustin Shackelpopoulos apportent une énergie différente, plus brute, plus libre.
Une SF pas comme les autres
Un Monde merveilleux se distingue dans le paysage de la science-fiction contemporaine par son refus des grands effets et sa volonté de parler de demain à travers les marges d’aujourd’hui. Ce n’est pas un monde lointain qu’on observe ici, mais le nôtre, à peine déformé : un futur crédible, bancal, profondément humain.
Giulio Callegari signe un film de science-fiction intime et drôle, traversé d’une tendresse inattendue pour ses personnages – humains comme mécaniques. Une œuvre hybride, modeste en apparence, mais qui continue de trotter dans l’esprit bien après la projection.

Laisser un commentaire