Avec Les Musiciens, Grégory Magne signe un film aussi inattendu que mélodieux. Entre comédie burlesque, hommage aux virtuoses et immersion sensorielle, le long-métrage s’impose comme une expérience cinématographique rare, qui conjugue humour, émotion et exigence sonore.
Tout part d’un instant suspendu. Le réalisateur se rappelle d’un moment précis, vieux de vingt ans : une amie violoncelliste lui fait écouter le morceau qu’elle souhaite présenter pour l’entrée à l’Opéra de Paris. Une grande salle vide, un silence parfait, et puis la musique. Ce souvenir, associé à une envie de retranscrire cette émotion dans une salle de cinéma, devient la genèse du projet. Car c’est bien ce que propose Les Musiciens : faire ressentir, par le son et l’image, ce frisson de la beauté pure.
Là où l’on pouvait attendre un film élitiste ou austère, Grégory Magne choisit la comédie. Il introduit un ton burlesque à travers des chutes, des maladresses et une mise en scène du quotidien des musiciens empreinte de légèreté. Mais cette fantaisie n’est jamais gratuite : elle s’inscrit dans une recherche rythmique, sonore, presque musicale du récit. Le rire devient alors une note de plus dans une partition où chaque silence compte.
Le quatuor qui porte l’intrigue n’est pas joué par de simples acteurs, mais par de véritables instrumentistes : Marie Vialle au violoncelle, Emma Ravier au violon et à l’alto, Daniel Garlitsky, figure de la musique classique et du jazz manouche, et Mathieu Spinosi, acteur mais aussi musicien de formation. Leur présence donne au film une authenticité rare, loin des clichés. Les gestes, les regards, les tensions entre les membres du quatuor respirent la vérité du monde musical.
Le travail visuel est lui aussi à la hauteur de l’ambition sonore. Le plan d’ouverture, inspiré du photographe Charles Brooks, nous plonge littéralement à l’intérieur d’un violoncelle. Un geste fort, poétique, presque manifeste. La direction photo de Pierre Cottereau sublime chaque bois, chaque corde, chaque souffle.
La bande originale, signée Grégoire Hetzel, compositeur de renom (Desplechin, Villeneuve, Garrel), vient tisser un fil invisible entre les personnages, soutenant l’émotion sans jamais l’alourdir.
Frédéric Pierrot campe un compositeur passionné, et son rapport intime à la musique transparaît dans son jeu. Véritable mélomane, l’acteur s’est initié à la clarinette en autodidacte, à l’oreille. Quant à Valérie Donzelli, elle incarne une femme marquée par la perte de son père — une épreuve qu’elle venait elle-même de vivre, et qui insuffle à son personnage une profondeur bouleversante.
Malgré son ancrage dans un univers exigeant — celui des luthiers, des concours et de la musique classique — Les Musiciens ne cherche jamais à impressionner. Son titre simple, son ton bienveillant et son humour subtil en font au contraire une porte d’entrée idéale pour les néophytes. Grégory Magne poursuit ici le sillon creusé avec Les Parfums, où il s’immergeait déjà dans un monde sensoriel à part.
Les Musiciens est une ode au son, mais aussi à ceux qui le fabriquent, le sculptent, le vivent au quotidien. C’est un film qui écoute autant qu’il regarde. Et c’est sans doute pour cela qu’il touche si juste. Une œuvre rare, délicate, à ne pas manquer.

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