Avec De mauvaise foi, le réalisateur Albéric Saint-Martin signe un premier long-métrage aussi audacieux que jubilatoire. Adapté du roman Les Pieuses Combines de Réginald de Thomas Hervouët, ce film entre comédie de situation et satire sociale offre un regard décalé – mais bienveillant – sur la foi, la famille et les petits arrangements avec la morale.
Réginald Le Vaillant (Pascal Demolon), notaire « vieille France » et père inquiet, voit sa vie basculer lorsqu’il apprend qu’une comtesse mourante lèguerait sa fortune à un jeune artiste bohème… à condition que celui-ci devienne catholique. Ce potentiel héritier, Arthur (Jean-Baptiste Lafarge), pourrait sauver le château familial de Réginald. Mais un obstacle de taille demeure : il faut détourner sa fille Athénaïs d’un fiancé bobo bien trop sûr de lui. Le tout sous l’œil discret mais constant d’un clerc de notaire à la Jean Carmet (Philippe Duquesne), maladroit mais plein de cœur.
L’une des grandes forces du film réside dans sa capacité à filmer la foi sans caricature. Certaines scènes ont été tournées en immersion lors d’un véritable rassemblement chrétien à Paray-le-Monial, conférant à l’image une sincérité rare. Ce choix permet au film de transcender son postulat comique pour évoquer, en creux, une question universelle : peut-on croire sans pratiquer ? Et surtout : est-ce la foi qui vient à nous ou l’inverse ?
Albéric Saint-Martin revendique un héritage cinématographique pluriel : la vivacité de Philippe de Broca, l’humour populaire du Splendid, et le burlesque moral de Louis de Funès, dont l’ombre plane sur le personnage de Réginald. À cela s’ajoutent des influences plus romantiques (Quand Harry rencontre Sally, L’Arnacœur) pour équilibrer le burlesque et l’émotion. Ce mélange des genres, subtilement dosé, donne au film une identité propre, à la croisée de la satire sociale et de la comédie romantique.
La distribution mêle des vétérans de la comédie (Demolon, Duquesne, Evelyne Buyle) à une nouvelle génération prometteuse (Romane de Stabenrath, François-David Cardonnel, Jean-Baptiste Lafarge). Ce brassage d’âges et de styles reflète le choc culturel et générationnel au cœur du film : celui entre tradition et modernité, entre institutions et spontanéité.
Le scénario a été constamment retravaillé, jusqu’au plateau, où les comédiens ont parfois improvisé pour donner plus de naturel aux dialogues. La bande originale, signée Jean-Pascal Beintus et Thierry Malet, soutient les ruptures de ton entre légèreté et tendresse avec finesse. Ce travail d’équilibriste, entre écriture millimétrée et liberté d’interprétation, donne au film une saveur unique.
De mauvaise foi est une œuvre rafraîchissante, à la fois drôle et touchante, qui interroge sans juger, et amuse sans moquer. Derrière ses airs de farce, le film propose une réflexion nuancée sur les croyances, la transmission et les illusions sociales. Une comédie populaire dans le meilleur sens du terme.

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