Par-delà les valises remplies de cocaïne, trois destins broyés par le système. Avec Coka Chicas, Roxine Helberg signe un premier long-métrage incandescent, entre thriller haletant et drame social, inspiré d’une histoire vraie : celle de trois jeunes femmes du 19e arrondissement de Paris arrêtées dans les Caraïbes pour trafic de drogue. Mais plutôt que de céder au sensationnalisme, la cinéaste choisit une autre voie — celle de l’humanité, de la colère, et du cinéma de genre.
Un regard neuf sur les « mules »
« Ce sont des vies qu’on sacrifie pour quelques billets », affirme Roxine Helberg. Là où les faits divers se contentent de chiffres et de saisies, Coka Chicas remet les visages au centre. Le film explore les liens, les failles, les décisions extrêmes prises par nécessité. La réalisatrice ne cherche pas à donner de leçon, mais à montrer l’invisible : la peur, le courage, l’amitié, l’engrenage.
S’inscrivant dans une tradition de cinéma social qui flirte avec le thriller, Coka Chicas revendique une liberté formelle : mise en scène nerveuse, tension permanente, caméra au plus près des corps. Le genre devient alors un outil politique. Et émotionnel.
Un tournage sous pression
Tourné en République Dominicaine, parfois dans des zones à haut risque comme Capotillo 42, Coka Chicas s’est fait dans l’urgence, sous la chaleur écrasante, avec un budget restreint et un multilinguisme permanent. « Tous les jours, quelque chose nous forçait à revoir nos plans », confie Helberg.
Cette instabilité devient une force. Elle insuffle au film une énergie brute, une intensité qui transpire à l’écran. Le chaos du tournage s’accorde avec celui des héroïnes. Le réel déborde, et le film s’en nourrit.
Un trio d’actrices puissantes et complices
Zoé Marchal, Fadily Camara et Eva Huault forment un trio bouleversant. Pour donner corps à cette amitié fragile mais vitale, Roxine Helberg a organisé des ateliers d’improvisation, des échanges intimes, une immersion dans les histoires de chacune. Le résultat est d’une justesse rare : les regards, les silences, les gestes trahissent une connexion profonde.
Fadily Camara impressionne particulièrement dans un rôle à contre-emploi. Ancienne militaire endurcie par la vie, elle s’est préparée physiquement avec intensité — jusqu’à perdre 10 kilos — pour incarner son personnage avec rigueur et rage contenue.
L’action comme révélateur de trajectoires
Pas de spectaculaire gratuit ici. Chaque scène d’action — chorégraphiée avec soin par les experts du Campus Univers Cascades — sert le récit et le développement des personnages. Roxine Helberg cite Old Boy et J’ai rencontré le diable parmi ses influences : une violence stylisée, viscérale, mais jamais anodine.
L’environnement devient un personnage à part entière : ruelles étroites, toits en tôle, plages désertes… Chaque décor est exploité avec intelligence pour amplifier la tension.
Un premier film audacieux et nécessaire
Coka Chicas est un cri. Un cri contre l’indifférence, contre les clichés, contre un système qui broie les plus fragiles. Mais c’est aussi un hymne à la solidarité féminine, à la survie, au courage de celles qu’on ne regarde jamais.
Roxine Helberg réussit un tour de force : mêler engagement et divertissement, émotion et tension, style et sincérité. Une œuvre coup de poing, aussi puissante que nécessaire.

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