Synopsis : Après avoir survécu au massacre d’Halloween perpétré par Art Le Clown, Sienna et son frère tentent de reconstruire leur vie. Alors que les fêtes de fin d’année approchent, ils s’efforcent de laisser derrière eux les horreurs passées.
AVIS GLOBAL
Art Le Clown s’est forgé une réputation dépassant le cadre de la sphère horrifique grâce au second Terrifier. Véritable choc, la suite de la saga phénomène s’est naturellement fait attendre. Les expectatives étaient légion, l’espérance d’un épisode encore plus sanglant étant celle capitale. Pourtant, inconsciemment nous avions tous une attente plus forte que les autres, mais aussi une peur, toutes deux né de ce second opus : celle de voir Art pénétré ou éjecté du panthéon du cinéma d’horreur.

Méchant Papa Noël
La neige tombe sur les feuilles automnales, mais elle ne les fait pas disparaître, elle ne fait que les couvrir. Terrifier 3 est un film de Noël des plus halloweenesque. Ce troisième épisode se contrecarre des lutins, des cadeaux et des guirlandes, il ne souhaite que la destruction de ces rêveries et de ces illusions. Il en est même sadique en nous faisant adopter dès la première séquence le point de vue d’une petite fille voyant sa famille se faire déchiqueter par Art.
Terrifier 3 coupe le sapin d’entrée pour mieux y mettre le sien qu’il décore avec des boules bien connues. Le métrage place Billy Chapman de Douce nuit, Sanglante nuit dans une reconstitution esthétique de Black Christmas. Noël est corrompu, mais le Père Noël existe toujours.
Saint-Nicolas doit rendre heureux les autres dit un employé grimé en ce personnage aimé des enfants. Art remplit cette case à la perfection lui qui se balade avec une hotte noire contenant des « jouets » qu’il a lui-même confectionné qu’il insère dans des cadeaux à chair humaine. Père Noël pour les adultes, il est le Père Fouettard pour les enfants.
Terrifier 3 prend un malin plaisir à nous montrer leurs exécutions, appuyant à chaque fois par des plans sadiques sur leur état plus que déplorable. Art entretient de ce fait la légende autour de lui, lui dont certains pensent qu’il n’existe pas. Il en va de même pour le Père Noël bien que le clown arrache le sourire des enfants à peine il se dévoile à lui.
Défaite de famille
Du sapin de Noël qui a été remplacé est resté dans la pellicule une trace de ses valeurs. Si Terrifier 2 montrait l’émancipation de Sienna et Jonathan, ce troisième épisode opère un rétropédalage en plaçant la famille au centre. Art ne fait guère exception, ce qui est surprenant au vu de ses efforts pour détruire cette institution.
Le clown et sa némésis sont profondément liés. Les plans et les situations qu’ils vivent se répondent, les deux étant les faces d’une même pièce. Ils retrouvent cependant chacun une famille à laquelle il manque un membre. Dans le cas de Sienna et Gabbie c’est Jonathan, et pour Art et Victoria c’est justement la jeune femme.
L’image de la famille traditionnelle avec un père, une mère et un enfant revient perpétuellement dans le métrage, sauf qu’elle n’apparaît jamais. Familial, Noël est ici une fête où les familles sont déconstruites et peinent à se retrouver. Bien que Sienna vive chez son oncle, il n’y pas d’unicité dans le foyer. Même un repas familial devient synonyme d’isolement, la caméra séparant les personnages. Art est bien évidemment la cause de tout cela et porte le métrage sur le terrain du choc post-traumatique.
Sienna et Jonathan sont traumatisés au point de ne plus se côtoyer. L’une étant plus expressive, et l’autre étant refermé, les deux ne peuvent se retrouver, les valeurs familiales devenant davantage un poids plutôt qu’une libération.
L’Évangile selon Sienna
La famille est omniprésente à Noël. C’est la période des retrouvailles autour d’un bon repas avec des gens que nous aimons. Cela vient presque à nous faire oublier que le christianisme est à l’origine des deux. Si dans Terrifier 3 les croyances des petits sont détruites, celles des grands ne sont pas épargnées.
L’heroic fantasy et la religion possèdent des thèmes communs, la saga Terrifier l’a bien compris et passe de l’un à l’autre naturellement. Dans la représentation de Saint-Michel terrassant le diable, ce dernier prend souvent les semblances d’un dragon. C’est exactement ce qui se déroule dans la franchise et ça colle parfaitement à ces deux univers pas si distincts que ça.
Sienna, que ce soit dans le 2 ou le 3, est l’élue d’une prophétie combattant un démon, tout comme l’ange le fait dans l’Apocalypse de Saint-Jean. Plus que Saint-Michel lui-même, la jeune femme est un messie. Terrifier 3 conte, fort de son cadre spatio-temporel, la naissance du Christ. Tout le parcours que suit Sienna est christique entre la couronne d’épines, les coups de fouet et le symbole de la crucifixion… C’est la Passion de Sienna.
Comme dans la Bible, cela ne vient pas de nulle part. Le déclencheur de cette souffrance naît d’une trahison. Ici, c’est celle de Jonathan. En laissant tomber sa sœur, cela va mener à une succession d’événements plus horribles les uns que les autres. En revanche, tout comme le texte religieux, de cette souffrance nous tirons des enseignements.
Armé de son journal intime aux allures de Bible, Sienna prêche la bonne parole à Gabbie. Cependant, Jésus Christ/Sienna peut être corrompu. Art et Victoria, en Joseph et Marie, essayent à l’inverse de faire naître l’antéchrist en nourrissant la jeune femme de tentations impures.

Ouverture vers l’Enfer
Sauveuse de l’humanité, Sienna doit purifier la Terre du péché, toutefois celle-ci est tellement gangrené qu’elle ressemble déjà à l’Enfer. Les sévices corporels que fait subir Art sont infernaux et rappellent même certaines tortures moyenâgeuses, toutefois la vision des limbes est plus subtile qu’il n’y paraît.
Le mal se terre dans l’âme des personnages. Les fêtes n’atténuent pas la malveillance des faux pères noël et n’apportent pas une conscience à ceux souhaitant profiter de la souffrance des autres pour attirer le plus d’auditeurs dans un podcast étudiant. Le mal se développe, le film ne s’en cachant pas avec une femme lisant un livre dont le titre est « Le Neuvième Cercle ».
Référence au premier court-métrage de Damien Leone, il est surtout ici question du neuvième cercle des enfers. C’est le dernier et c’est dans celui-ci que se trouve Lucifer. Nous n’y sommes pas encore, toutefois la trahison, les têtes coupées et le froid glacial sont des signes de celui-ci. Art lui-même est annonciateur de la catastrophe, lui qui utilise une arme pour geler ses victimes lorsqu’il ne les décapite pas.
Nous sommes dans un entre deux mondes comme pouvait le dépeindre Hellraiser à son époque. Victoria et Art forment en quelque sorte un groupe de cénobites venant récupérer Sienna. Cette présence additionnelle en appelle d’autres et la saga de Leone, plongeant de plus en plus dans les abîmes, va dans le futur probablement ressembler à celle de Clive Barker.
Un film démembré
Terrifier 3 poursuit l’héritage du second. La saga n’a jamais été aussi belle visuellement. Elle quitte définitivement l’amateurisme, toutefois, c’est une amélioration superficielle. Le gap entre le 1 et le 2 était si énorme en tout point que celui entre le 2 et le 3 est léger et peut même être vécu comme une régression.
Les effets spéciaux sont l’exemple de cet état de fait. Ce sont les meilleures de la franchise, toutefois, et même si le gore n’a jamais été si répugnant, il n’y a aucune séquence qui parvient à dépasser celle de la chambre dans Terrifier 2 dans l’effroi qu’elle procure. Dans ce domaine, ce troisième volet ne propose pas plus que le deuxième. C’est moins varié en tout et ça ne va pas aussi loin. Nous sommes dans la normalisation de la violence alors que nous étions précédemment dans l’irréalité.
Il manque toujours quelque chose de plus, et c’est ce dont souffre le plus le métrage. Terrifier 3 est atteint du mal du film coupé en deux. Le métrage se conclut par un cliffhanger frustrant donnant la sensation qu’il manque un bout. S’il y avait un truc que le film ne devait pas couper en deux, c’était bien ça.
Folie à deux
Dans ce découpage à la tronçonneuse, celui qui en pâtit le plus est Art. Le clown est toujours fidèle à lui-même, bien qu’il semble être dorénavant conscient qu’il est devenu une figure populaire. Il assume totalement sa nature comique et « dialogue » davantage avec le spectateur. Le montage fait d’ailleurs tout pour nous montrer ses réactions peu importe la situation dans laquelle il se trouve.
Même s’il reste un personnage loufoque ne ressemblant à rien de ce que nous avons déjà vu, subsiste un problème majeur. La pire chose que pouvait arriver à un être comme lui est qu’il soit prévisible, et c’est le cas ici. Dans Terrifier 2, Art commençait à l’être, mais là il l’est tout le temps alors que son imprévisibilité était sa grande force. À l’exception d’une fois, nous voyions en amont ce qu’il va utiliser via des inserts dont nous nous serions bien passés.
Il est vrai que la finalité de ses actions fait toujours effet, mais sans la surprise il manque quelque chose. Ce changement drastique est perceptible dans les inspirations du personnage. Art n’est plus un Freddy Krueger de la vie réelle, mais un Leatherface légèrement plus fou. Il se grime ainsi comme lui, possède une tronçonneuse et reconstitue à quelques détails près la séquence du dîner dans Massacre à la tronçonneuse. Cela confirme la direction « familiale » de ce troisième opus.
Art était-il fait pour avoir une famille ? Pas vraiment. En l’associant à Victoria, le tueur est relégué au second plan. La femme, bien que charismatique, est un méchant classique. Ce classicisme est marqué par la parole. Le personnage d’Art fonctionne dans le non-dit, car il est très expressif. Le mettre aux côtés d’une personne bavarde amenuise sa spécificité et le place dans la position d’un simple subalterne. Nous venons à regretter son duo avec la petite fille car bien qu’elle était aussi muette, elle était malsaine à sa façon.
Par la force des choses, Terrifier est devenu une saga horrifique majeure. La franchise va marquer les années 2020 aux côtés de la trilogie de Ti West quand bien même ce troisième opus est frustrant. Fusion étrange entre le 1 et le 2, Terrifier 3 aurait dû en faire plus. Le gore souhaité est présent, toutefois il ne faut absolument pas que pour le reste la licence se formalise. La suite devrait nous rassurer, bien que la folie annoncée aurait dû être présente dès ce troisième volet.
9 octobre 2024 en salle | 2h05min | Epouvante-Horreur
De Damien Leone | Par Damien Leone
Avec Lauren LaVera, David Howard Thornton, Jason Patric
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