Synopsis : Emma aime Sammy qui aime Cyril qui l’aime aussi. Ce qui aurait pu être un marivaudage amoureux à la fin du siècle dernier va être dynamité par l’arrivée du sida. Alors qu’ils s’attendaient au pire, la destinée de chaque personnage va prendre un virage inattendu.
AVIS GLOBAL
D’un documentaire imaginé très jeune dans les années 1990, Vivre, mourir, renaître devient en 2024 une œuvre de fiction. À l’instar du titre, le film a pu vivre, mourir et renaître, Gaël Morel lui donnant une nouvelle forme. Le réalisateur reste le témoin de cette époque, mais il le fait tel un poète.

Tragédie maladive
Maladie de l’amour, le sida contamine Emma, Cyril et Sammy en formant au-dessus d’eux une épée de Damoclès. Par le destin de ces trois personnages, Vivre, mourir, renaître dépeint cette existence trouble qu’ils sont contraints de vivre et qui va les mener inéluctablement vers la mort.
Gaël Morel nous conte ici une tragédie grecque où ses personnages naviguent sur des eaux italiennes aux allures de Styx jusqu’aux Enfers. La bulle transalpine est la note d’intention du conteur sur son œuvre. Elle est certainement bien trop longue, toutefois elle est d’une triste beauté.
Ce passage aux Champs Élysées est très poétique. Le temps semble durer une éternité, chose que seul le trépas peut offrir. En revanche, s’il y a la lumière, alors il y a forcément l’obscurité. Le métrage plonge à un certain moment dans un pathos désagréable, enchaînant banalités sur banalités.
Le film fonctionne que lorsqu’il délaisse l’exagération de la souffrance pour l’amour pur. Par l’échange de drogue ou par celui des bagues, c’est l’alchimie entre ces trois héros modernes qui donne du cœur au métrage.
Encadré l’amour…
Le VIH lie ces âmes, toutefois, la relation entre Sammy et Cyril n’a initialement rien à voir avec la maladie. C’est une romance artistique qui naît entre les deux, se développant par l’écrit et par l’image. Le cinéma intervient par cette course en référence à Mauvais Sang de Leos Carax, une course vivace représentant un art du vivant.
C’est cependant la photographie, art qui fige les êtres et donc art de la mort, qui va définitivement être le cœur de la relation. Cette domination s’articule par les premiers échanges entre les deux hommes. Devant chez Sammy, Cyril est en dessous de lui, et inversement. C’est dans ce dernier cas que le conducteur de métro pénètre dans le studio du photographe. Cyril est pourtant déjà entré chez Sammy, sauf il ne le fait que pour prendre une photographie.
L’art créé l’intimité et c’est pour cette raison que la relation n’est consommée que lorsque Sammy est filmé en plongée face à son futur amant. Alors qu’il vivait en boîte, le conducteur va « mourir » en rejoignant ce photographe qui restait après les fêtes. Sammy appartient à Cyril, à ce médium, et cela se répercute dans sa vie et dans le film par de nombreux surcadrages.
Cette appartenance apparaît même en présence d’Emma, en particulier lors d’une dispute. Dans cette séquence, Sammy sort du surcadrage seulement lorsqu’il se rapproche de sa femme. Le cadre de la photographie est leur espace à eux, sauf qu’il est éphémère.

…mais aussi la vie
La relation entre Sammy et Cyril s’embrase par le cadre, toutefois il participe à cette fatalité qui leur colle à la peau. C’est une condamnation pour le conducteur, d’autant plus qu’il est le personnage qui va le plus souffrir de la maladie. Une photographie marque un temps qui n’existe plus, mais, dans un sens, elle peut maintenir la vie.
C’est ce que s’efforce de faire Cyril tout le long du film. Sachant qu’il va mourir, il tente de capter la vie au maximum. La photographie c’est la vie qui meurt et qui renaît à la fois. La relation entre Sammy et Cyril n’a qu’une durée limitée, toutefois elle restera éternelle par le biais de l’appareil photo.
La force du lien amoureux
L’amour dans Vivre, mourir, renaître n’est pas binaire, mais triple. La relation entre Emma et Cyril n’est pas physique, elle est spirituelle. Elle forme un miroir avec celle qu’elle entreprend avec Sammy, entre les marches au bord du canal ou les discussions chez elle, à la différence que ce n’est pas consommé sexuellement. C’est d’ailleurs par elle que Cyril pénètre dans le familial, ce qui permet de ne pas exclure la femme et de créer un équilibre dans ce trio atypique.
Le sida devient un lien puissant allant au-delà de la jalousie ou des conventions. À la découverte de nouveaux soins, le lien se rompt, mais c’est là qu’il se renforce. À l’instar de la relation entre Sammy et Cyril, celle entre ce dernier et Emma va au-delà de la maladie.
La photographie va une nouvelle fois lier les êtres, le surcadrage touchant aussi Emma. Le point culminant arrive par un montage alterné des deux travaillants dans un studio. Derrière l’aspect figé de la photographie, il y a en amont un travail vivace. Il en va de même pour le sida. Derrière la mort annoncée, il y a un amour plus fort que la maladie qui lui survivra toujours.
Le temps permet de mieux cerner les enjeux et les êtres. C’est le cas de Vivre, mourir, renaître qui a mûrit pour devenir une œuvre poétique où l’amour n’a aucune barrière.
25 septembre 2024 au cinéma | 1h49min | Drame
De Gael Morel | Par Gael Morel, Laurette Polmanss
Avec Lou Lampros, Victor Belmondo, Théo Christine
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