Dois-Je Le Voir ?

Blink Twice : Quand le milliardaire Slater King rencontre Frida, c’est le coup de foudre. Invitée sur son île privée, elle y découvre des soirées décadentes où le champagne coule à flots. Mais des événements étranges commencent à se produire et Frida devra découvrir la vérité si elle veut sortir vivante de cette fête.

AVIS GLOBAL

Lorsqu’un acteur passe derrière la caméra, quel en est le résultat ? Il y a de très bons exemples comme John Cassavetes (pour ne citer que lui), mais il y a aussi de véritables ratages, comme le très récent Downtown Owl du couple Hamish Linklater/Lily Rabe qui était une énorme déception. Mais qu’en est-il du premier essai de Zoë Kravitz (The Batman, Big Little Lies) en tant que metteuse en scène ? Assistons-nous avec ce Blink Twice à un ratage ou à un chef-d’œuvre ?

Un film qui connaît (trop) ses références ?

Pour son premier film, Kravitz s’essaie au thriller horrifique type Blumhouse avec un résultat final correct. Cependant, c’est beaucoup trop fragile sur beaucoup de points pour réellement convaincre.

Le film se veut être un thriller coup de poing, et il l’est en quelque sorte, mais ce que l’on retiendra au final, c’est une avalanche de références à d’autres films de qualités variables. Le métrage se veut dans l’air du temps et y réussit par moments. Le problème est que de nos jours le cinéma d’horreur qui marche est divisé en deux catégories (pour caricaturer) : les productions Blumhouse (ou dans le même style), avec un petit budget, beaucoup de jump scares et un scénario souvent très faible, ou les films de « l’elevated horror« , une horreur « auteurisante », très reconnaissable dans sa forme comme dans sa construction scénaristique.

Kravitz choisit donc le premier camp pour essayer de réaliser un film court, efficace et qui va droit au but. Malheureusement l’entièreté de l’intrigue de Blink Twice est un mélange de références un peu trop inspirées, et pas toujours bonnes. On y retrouve du grand cru, comme Get Out, et du moins bon comme Antebellum ou encore Nightmare Island.

Cela aurait pu être intéressant si, comme dit précédemment, ces films références n’étaient pas, sur certains passages, du pur copier-coller. Peu original, le film en devient prévisible, voire gênant, tant on a déjà vu certaines scènes des dizaines de fois…

Une mise en scène en demi-teinte

En termes de pure imagerie, Kravitz nous offre de très beaux travellings pour suivre ses personnages. En général, le film est ponctué de très « jolies » scènes où les personnages féminins courent dans les jardins de la villa. Elle sait plutôt bien gérer ses cadrages et ses plans-séquence, en particulier quand ils ne sont pas fixes.

Elle sait également nous offrir des plans d’ensemble superbement cadrés, nous offrant une vue sur les extérieurs de la villa et sur les salles importantes toutes en rouges et blancs, donnant une étrange sensation de décors futuristes et artificiels.

Cependant, certains plans, en particulier celui de la photo de groupe devant la demeure, sont ratés. La mise au point ne semble pas avoir été faite, donnant un plan extrêmement flou et pas du tout agréable à l’œil.

C’est globalement filmé comme un film d’horreur lambda. En dehors des quelques fulgurances mentionnées ci-dessus, le reste n’est pas vraiment pertinent à analyser. C’est filmé uniquement pour montrer une intrigue.

Il faut tout de même mentionner le montage, admirable, qui perd le spectateur dans des scènes très saccadées de flash-back aussi cauchemardesques que réussies.

Côté casting…

Le film est porté par l’actrice Naomi Ackie, révélée il y a deux ans dans I Wanna Dance With Somebody. Si elle peine à convaincre (comme tout le reste du casting) pendant la première heure, elle se révèle être une superbe héroïne durant les quarante dernières minutes. Elle est secondée par Adria Arjona, actrice intéressante bien que trop discrète, qui vole la vedette à tout le monde à chacune de ses scènes.

Dans le casting principal, on retrouve quelques grands noms. Néanmoins, ils interprétent des personnages à peine développés, présents seulement pour que le film ne se termine pas au bout d’une heure dix.

Cela fait plaisir de voir Simon Rex avoir de plus en plus de rôle dans des productions un minimum intéressantes. L’acteur a vraiment beaucoup à offrir et ce soudain regain d’intérêt pour lui est vraiment super. Channing Tatum, quant à lui fait ce qu’il peut, mais n’est pas vraiment convaincant dans son rôle de riche homme d’affaires. Il y a aussi Christian Slater et Haley Joel Osment qui campent des personnages aussi comiques qu’étranges, mais qui sont seulement là pour rajouter des personnages.

À noter également des seconds rôles assez savoureux campés par Kyle MacLachlan, qui est exceptionnel dans tout ce qu’il fait, et par Geena Davis, star de Thelma et Louise. Sa présence dans ce film est cohérente, et marque son retour au cinéma après quatre longues années d’absence.

Toute la partie qui suivra dévoilera certains éléments de l’intrigue, essentiels à la bonne rédaction de cette critique. Si vous souhaitez garder le plaisir de la découverte, vous pouvez directement aller à la partie « En conclusion » en fin du texte.

Zone de spoiler

Si le scénario du film rappelle quelques classiques du genre, celui-ci revisite également à sa sauce celui du rape and revenge. Particulièrement populaire dans les années 70, il met en scène une femme violée qui se venge de façon violente et gore de ses agresseurs.

Le genre avait déjà été revisité de façon plutôt intelligente en 2020 avec Promising Young Woman d’Emerald Fennell. Étant presque toujours empli de male gaze et réputé comme désuet et racoleur, qu’est-ce que Blink Twice apporte de meilleur ?

Malheureusement, Zoë Kravitz tombe dans presque tous les clichés du genre. Elle évite tout male gaze en enlevant les « traditionnelles » scènes de nudité gratuite, mais elle garde l’inévitable vengeance des victimes.

De plus, le film ne marche que par son retournement de situation, arrivant au bout d’une heure. En effet, la première heure devient rapidement ennuyeuse. Les scènes de fêtes s’enchaînent et montrent les protagonistes passer leurs journées autour de la piscine. Après le twist, l’attachement aux personnages féminins est évident. Malheureusement, le film ne capitalise que sur cet événement. Cela fonctionne, mais seulement parce que nous sommes humains et non parce que le scénario est particulièrement bien écrit.

Est-ce une mauvaise chose ? Pas forcément. C’est ce qui rend ce film très compliqué à aborder en profondeur. C’est évidemment jouissif de voir des violeurs être massacrés par des femmes fortes et stylées. Dans le même temps le film se clôt sur un message également en demi-teinte.

Effectivement ces dernières cinq minutes sont plus que questionnables. En un sens, c’est encore une fois très satisfaisant. Dans un autre, ce n’est pas réaliste. Ca reprend simplement les codes du rape and revenge avec un petit sous-texte féministe qui se perd complètement dans une tournure scénaristique plus que discutable.

En conclusion…

Blink Twice n’est rien de plus qu’un sympathique petit thriller faisant trop référence à ses inspirations. Zoë Kravitz ne parvient pas à insuffler un female gaze assez fort pour réellement chambouler les codes d’un genre cinématographique créé à la base par des hommes, alors qu’elle essaie tout de même de faire questionner son spectateur sur les sujets qu’elle aborde.

Mais le film, aussi discutable soit-il, n’a pas été réalisé avec de mauvaises intentions, bien au contraire. Il est maladroit, mais Kravitz nous offre tout de même un film efficace. C’est une réalisatrice prometteuse, et nous ne pouvons qu’attendre ses prochains projets pour voir où ses inspirations vont la mener par la suite.

21 août 2024 en salle | 1h 42m | Thriller, épouvante-horreur

De Zoë Kravitz | Par Zoë Kravitz

Avec Naomi Ackie, Channing Tatum, Adria Arjona

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