Love Lies Bleeding : Lou, gérante solitaire d’une salle de sport, tombe éperdument amoureuse de Jackie, une culturiste ambitieuse. Leur relation passionnée et explosive va les entraîner malgré elles dans une spirale de violence.
AVIS GLOBAL
Un duo de femme dans une œuvre « décalée » est une formule déjà essayée cette année, mais pas approuvée. Joel Coen s’y est cassé les dents avec Drive-Away Dolls en ayant le nez dans ses influences. Rose Glass garde la même direction avec Love Lies Bleeding, mais va-t-elle aussi se prendre un mur ?

Femme Culturiste Non Identifiée
Les années 1980 sont une décennie faste pour la science-fiction, chose que Love Lies Bleeding n’oublie pas. La caméra regarde souvent les étoiles avec des plans larges où le ciel est souvent visible comme si nous attendions l’arrivée de quelque chose ou de quelqu’un.
En baissant la tête, nous comprenons pourquoi cet imaginaire est présent. Se déroulant dans le désert du Nouveau-Mexique, nous ne pouvons que penser à l’affaire de Roswell. En observant les habitants, le constat se confirme. Dans ce métrage, à l’instar de L’Invasion des profanateurs de sépultures, les personnages ne sont pas ce qu’ils devraient être.
Chacun est ou peut être un acolyte de Lou Sr. dans des proportions très, voire trop exagéré. Qu’en est-il alors des extraterrestres ? Dans ce métrage au parfum de SF des années 1950, ce sont les lesbiennes qui sont considérées comme des aliens. Jackie est la principale visée par cette filiation de par sa carrure hors du commun.
Sa première apparition dans la salle de sport de Lou est vécue comme l’entrée d’un OVNI dans l’atmosphère, celle-ci détonant avec le reste des adhérents. De plus, ce côté venu d’ailleurs est renforcé par le fait qu’elle vient de loin et qu’elle est accoutumée des voyages.
C’est avec elle que le surnaturel intervient, le métrage allant du côté d’un body horror veineux lors de séquences de pur fantastique angoissantes. Jackie est une She-Hulk qui peut s’avérer terrifiante ce qui est totalement assumé à la fin du métrage bien que cela mène à un revirement métaphorique dépréciatif.
Une clé de bras au patriarcat
Le statut d’extraterrestres donné aux lesbiennes est dû exclusivement à une société profondément masculine. Cette vision peut sembler surannée, toutefois au vu des événements s’étant déroulés au BIFFF cette année, elle a l’air d’être malheureusement très actuelle.
Ainsi, comme Drive-Away Dolls, Love Lies Bleeding veut renverser ce regard patriarcal. Cela passe essentiellement par la salle de sport. C’est un lieu présenté par Rose Glass comme masculin, en témoigne les premiers plans sur des hommes en action. La tendance s’inverse à l’arrivée de Jackie qui s’accapare à la fois le lieu et la caméra.
Néanmoins cette salle appartient au père de Lou, lui qui est l’adversaire principal des deux femmes. Il représente à lui seul l’Amérique masculiniste aux gros pistolets. Lou Sr. soumet les femmes par une mentalité arriérée. Il va notamment pervertir Jackie en lui donnant une arme, elle qui ne jurait que par sa propre force, et va surtout rendre sa fille Beth soumise à son mari telle une femme des années 1950.
L’emprise qu’il a est symbolisée esthétiquement par la couleur rouge. Sa présence est quelques fois peu subtile, toutefois elle est globalement efficace notamment vis-à-vis de Lou. Ce rouge parcours sa vie au point qu’elle aussi s’y complaît, ce qui la rapproche contre sa volonté de son père.
Nous pouvons le voir lors de la discussion qu’elle a avec lui devant un distributeur dont la lumière rouge éclaire leurs deux visages dans une des meilleures utilisations de cette couleur et une des séquences les plus fortes du métrage.
Cependant, cette couleur est présente même lorsqu’il n’est pas là. Quand Lou part chercher les produits dopants, elle entre dans une pièce rougeâtre. L’addiction devient ainsi ici indirectement un outil de contrôle.

Le contrôle par le manque
Love Lies Bleeding est composé d’un groupe de personnage féminin souffrant toute d’un problème d’addiction et toute sont dû, à des degrés différents, à Lou Sr. Lou est dépendante à la cigarette, Beth à JJ, Daisy à Lou, et Jackie aux produits dopants.
Ce sont principalement ces derniers qui sont mis en cause. Il y a carrément un montage parallèle très 80’s entre eux et les armes du père. À l’instar des pistolets, Jackie n’en avait pas besoin, son physique étant déjà tracé naturellement. Par ailleurs, il est important de dire que la musculation n’est pas qu’une affaire d’homme.
Être musclé n’est pas quelque chose de masculin bien que des femmes souffrent de ce rapprochement. Jackie devient ici un modèle car elle est passionnée, bien qu’il est vrai qu’elle a un certain plaisir à ridiculiser l’autre sexe. Dans Love Lies Bleeding, la prise de pouvoir de l’homme passe uniquement par les produits et non par les muscles.
La prise de ces substances mène à un trip lynchien avec des déformations d’images, des plans sur la route et à une séquence totalement surréaliste lors du concours de culturisme. Rose Glass se rapporte beaucoup à Blue Velvet dans son rapprochement évident avec les années 1950, mais surtout dans la révélation de la crasse derrière l’esthétique.
Si nous voyions Lou littéralement « remuer la merde », plus tard elle va devoir la faire remonter par le canyon dans deux séquences qui se répondent. Ainsi, elle et Jackie se libèrent du contrôle patriarcal et viennent récupérer le rouge paternel lors du générique de fin.
L’amour saigne abondamment
Le film de Rose Glass n’a pas un titre mensonger : il y a bien de l’amour, des mensonges et du sang. La violence est un des éléments les plus réussis du film, celle-ci intervenant toujours de façon surprenante et tachante.
Lou en est quasiment toujours le témoin comme si elle le ramenait inlassablement à son père. En revanche, les réactions de Kristen Stewart amenuisent leur effet, l’actrice étant presque déconnectée vis-à-vis de ce qui se passe. Nous pouvons l’expliquer par le fait que son personnage a l’habitude de voir ça, mais en réagissant de la sorte les séquences violentes sont moins impactantes.
Ce souci s’étale malheureusement sur un autre point central : l’amour. L’écriture de cette relation se base sur une construction narrative classique, du rapprochement initial, à la distance à mi-parcours jusqu’aux retrouvailles finales. L’éloignement au centre est la cause de tous les problèmes car elle est trop longue et impose à cette relation des stéréotypes que nous aurions pu éviter.
Il n’y a que lorsque les bouches se taisent et que les corps parlent qu’il y a une véritable alchimie entre les deux. Il y a une attention particulière dans l’intimité des personnages qui rend cette relation plus vraisemblable et touchante.
Love Lies Bleeding voit rouge au point de presque s’aveugler, toutefois Rose Glass garde le volant en main et les yeux sur la route. Pour ce second long-métrage, elle garde le cap et propose un duo de femme marquant qui fera probablement son chemin au fil des années.
12 juin 2024 en salle | 1h 44min | Romance, Thriller
De Rose Glass | Par Rose Glass, Weronika Tofilska
Avec Kristen Stewart, Katy O’Brian, Jena Malone
Interdit -12 ans
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