La Morsure : 1967, pendant le Mardi gras. Françoise, pensionnaire d’un lycée catholique, fait un cauchemar où elle se voit brulée vive. Persuadée qu’il ne lui reste qu’une seule nuit avant sa mort, elle fait le mur avec son amie Delphine pour vivre cette nuit comme si c’était la dernière.
AVIS GLOBAL
La France du général De Gaulle n’est pas la période de prédilection des nouveaux réalisateurs. Chez Romain de Saint-Blanquat, elle est pourtant une période énigmatique, à la fois perceptible et imperceptible. C’est un choix audacieux pour un premier long-métrage, un choix qui a payé.
Mai 67
Deux adolescentes, Françoise et Delphine, fuient les normes religieuses et sociétales de la France des années 1960. Cette fuite s’opère par un voyage vers un temps ancien, dans une terre brumeuse romantico-gothique où se mêlent monstres et fantômes, et loin de ce monde réfractaire aux nouvelles mœurs.
Placer l’intrigue à cette époque est d’ailleurs judicieux car le langage, différent de celui actuel, colle parfaitement à l’ambiance du film. De la rigidité du lycée catholique, nous passons à une soirée en forêt mouvementée comme si nous passions de l’année 1967 à 1968.
Au préalable, cette envie de liberté était affichée par Françoise lorsqu’elle met à sac l’infirmerie avec une caméra épaule cassant la platitude ambiante. Cet acte dénote d’ailleurs d’une soif d’évasion plus forte de sa part que celle de son amie Delphine.

Liberté mortuaire
Les deux amies sont fortement liées, toutefois leur sensibilité à l’au-delà diverge complètement. En fuyant du lycée, elles échappent aux préceptes chrétiens pour rallier ceux occultes. Pour se fondre dans ce monde étrange, les deux se griment en sorcières, Françoise l’étant plus que Delphine.
En effet, elle croit avoir un don de prémonition grâce à son amulette, une chose prohibée par l’Église. Pensant alors qu’elle va mourir, l’adolescente se trouve entre la vie et la mort. Naturellement, elle va être aux côtés de Christophe, un « vampire », c’est-à-dire un être se trouvant entre les deux mondes.
Pour accentuer cet aspect, dés son apparition tout semble onirique comme si les deux s’étaient échappés de la vie. Tout nous le laisse croire entre la maison qui se vide et la photographie bleutée. Néanmoins, ce détachement est surtout visible dans la réalisation et le montage, la photographie étant souvent très plate.
La séquence introduisant le métrage est un montage de rêve hypnotique nous plongeant dès alors dans une spirale occulte et énigmatique. Cette idée revient lorsque Françoise se lâche sur la piste de danse au milieu de « monstres », une image donnant la sensation qu’elle participe à un sabbat lui permettant de rejoindre définitivement l’au-delà.
Elle va cependant être rattrapé juste par la séquence successive via une croix inscrite sur un miroir, le plan plaçant astucieusement ce signe sur son front, ce qui l’a fait crier à l’instar d’un exorcisme.
Jouer pour fuir la réalité
Seule la fameuse morsure du titre lui permettrait de basculer totalement d’un côté, sauf qu’elle n’arrive pas, du moins pas celle que nous attendons. Si cela n’advient pas, c’est parce qu’elle n’est pas une sorcière et son acolyte n’est pas un vampire. Dans La Morsure rien n’est réel.
Cette fête costumée dans une maison au milieu d’une forêt n’est qu’une opportunité pour les fuyards de faire un jeu de rôle où ils quittent leur propre réalité. Quand la vie nous fait peur, autant aller du côté de la mort fantasmée pour voir ce qu’elle nous offre.
Françoise va la côtoyer par ses diverses rencontres et par sa propre expérience, mais elle ne peut véritablement l’atteindre qu’en revenant vers les institutions qu’elle a fui pour justement cette raison.
La Morsure est une œuvre hors du temps, nous prenant par le cou non pas pour nous ôter la vie mais pour nous la faire ressentir.
LA MORSURE
15 mai 2024 en salle | 1h 27min | Drame
De Romain de Saint-Blanquat
Par Romain de Saint-Blanquat
Avec Léonie Dahan-lamort, Lilith Grasmug, Fred Blin
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