Black Flies – Sean Penn, l’Ange Gardien déchu

Black Flies : Ollie Cross, jeune ambulancier de New York, fait équipe avec Gene Rutkovsky, un urgentiste expérimenté. Confronté à la violente réalité de leurs quotidiens, il découvre les risques d’un métier qui chaque jour ébranle ses certitudes et ne lui laisse aucun répit.

AVIS GLOBAL

Note : 3 sur 5.

Black Flies | Metropolitan Film

Au cœur d’un métier difficile

La promesse du film est alléchante : proposer une plongée hallucinée dans le quotidien musclé d’urgentistes new-yorkais par le réalisateur d’Une prière avant l’aube, le français Jean-Stéphane Sauvaire. Il y avait de quoi intriguer. 

Black Flies est l’adaptation du livre du même nom de Shannon Burke dont l’action se déroule dans les années 90 contrairement au film qui transpose l’histoire à nos jours. Boudé lors de sa présentation cannoise, l’année dernière, le film a pour ambition de secouer le spectateur, de le mettre face à l’âpreté du métier d’urgentiste. 

L’action suit un binôme, l’éternel duo maître / apprenti campé respectivement par Sean Penn et Tye Sheridan. La caméra, souvent à l’épaule pour s’approcher du « cinéma-vérité », capture chaque faits et gestes d’Ollie, incarné avec justesse et subtilité par Tye Sheridan. Le cinéaste nous place au plus près du personnage principal afin qu’on saisisse ses tourments et questionnements. 

Black Flies | Metropolitan Film

Et Dieu créa les ambulanciers…

Ce qui intéresse Jean-Stéphane Sauvaire avec ce film, c’est principalement de s’interroger sur le sens même de ce métier. Sauver des vies correspond à une lourde responsabilité et on peut se demander si certains méritent qu’on les sauve. Placer l’action dans les quartiers sensibles de New-York n’est donc pas anodin, car la majorité des victimes présentées dans Black Flies sont des dealers ou bien des junkies. 

Par conséquent, est-ce que sauver la vie d’un camé est bien nécessaire si celui-ci est susceptible de refaire une overdose ? Ces personnages qui ont le droit de vie ou de mort sur ces êtres agonisants sont représentés comme des anges gardiens. Un parallèle religieux que le cinéaste exploite totalement lors de son dernier acte. Un parti pris intéressant, mais qui finit par alourdir le récit, notamment avec le personnage de Michael Pitt, à la lisière du surjeu, qui débite un long discours nihiliste sur cette question de vie ou de mort. 

Le ton du film, très pessimiste, peut rebuter, surtout lorsque le film se termine par un carton qui dit que le cinéaste a voulu rendre hommage à ces ambulanciers. Cela aurait été peut-être plus judicieux de contrebalancer la noirceur du film avec des moments plus tendres et optimistes concernant les interventions.

Black Flies | Metropolitan Film

Entre sensoriel et sensationnaliste, la frontière est fine

Autre aspect pouvant poser un problème, c’est le choix du casting. En effet, les sauveteurs étant joués par des acteurs blancs, et les victimes par des acteurs noirs ou bien hispaniques, le film donne involontairement, à mon sens, une image de « white saviors », et prend le risque d’une mauvaise interprétation, alors que ce dernier ne joue absolument pas sur cette voie. Ce serait dommage et injuste, mais peu surprenant, de voir des critiques négatives sur cet aspect.

Black Flies est avant tout un film à sensations. Le réalisateur déploie tout un arsenal technique impressionnant pour rendre les pérégrinations des personnages immersives pour le spectateur. Habitant dans le quartier de Brooklyn dépeint dans le film, Sauvaire le décrit avec fidélité en optant pour une approche quasi documentaire et en prenant la population locale pour y faire de la figuration.

La caméra-épaule, le montage tantôt nerveux tantôt vaporeux, les lens-flaire correspondant à la lumière émise par l’ambulance qui envahissent le cadre et qui surgissent même lorsque Ollie est seul pour dire que son boulot lui colle à la peau, et bien sûr le son omniprésent (bruit des sirènes, les gémissements, la musique et les vociférations).

Tous ces éléments font de Black Flies une expérience hypnotique étourdissante. Ce qui pâtit dans le fond est rattrapé par la générosité dans la forme pour offrir une expérience à la fois viscérale et sensorielle. Pas sûr que le message final soit en accord avec le reste malgré tout.

3 avril 2024 en salle | 2h 00min | Drame, Thriller

De Jean-Stéphane Sauvaire | Par Ryan King, Ben Mac Brown

Avec Sean Penn, Tye Sheridan

Titre original Asphalt City

Compétition au Festival de Cannes 2023

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