Rosalie – La beauté de la Bête

Rosalie : Rosalie est une jeune femme dans la France de 1870 mais ce n’est pas une jeune femme comme les autres, elle cache un secret : depuis sa naissance, son visage et son corps sont recouverts de poils. Elle est ce qu’on appelle une femme à barbe mais n’a jamais voulu devenir un vulgaire phénomène de foire. De peur d’être rejetée, elle a toujours été obligée de se raser. Jusqu’au jour où Abel, un tenancier de café acculé par les dettes, l’épouse pour sa dot sans savoir son secret. Mais Rosalie veut être regardée comme une femme, malgré sa différence, qu’elle ne veut plus cacher. Abel sera-t-il capable de l’aimer quand il découvrira la vérité ?

AVIS GLOBAL

Note : 3.5 sur 5.

Le conte a pour but premier d’être un récit intemporel, les messages qu’il transmet brisant la barrière des époques. Rosalie de Stéphanie Di Giusto, bien qu’il se déroule dans une France antérieure à la nôtre, traite de sujets de société bel et bien actuels, avec des acteurs l’étant tout autant. Pour que le XIXème siècle atteigne le XXIème, quoi de mieux que la présence de Nadia Tereszkiewicz et Benoît Magimel, deux comédiens très en vogue n’ayant aucunement peur du passé. Ce drame français sort au cinéma le 24 janvier 2024.

Rosalie | Trésor Films

Un conte au poil

La Belle devient la Bête dans ce conte grisâtre de la France des années 1870. Dans cette optique, c’est le père qui emmène sa fille et non elle qui prend sa place. Le long-métrage garde en revanche un certain onirisme, en particulier lorsqu’il s’aventure en forêt.

Rosalie reste principalement un conte réaliste sur l’acceptation. La jeune femme ne se transformera pas en princesse après qu’Abel soit tombé amoureux d’elle. Le « ils vivront heureux et auront beaucoup d’enfants » n’arrivera jamais, Rosalie étant infertile et les habitants venant non pas pour sauver la Belle, mais abattre la Bête.

Semblables

L’essentiel du film est construit sur l’inversement des situations que vivent les protagonistes. Si durant les premiers instants c’est Rosalie qui se cache, par la suite c’est Abel, et enfin ce sera les deux. Si différents qu’ils soient, ils sont pourtant si proches. À la maladie de la jeune femme répond la blessure au dos de l’homme.

Chacun vit dans le secret et se découvre de cette manière. C’est particulièrement touchant de les voir se découvrir sans se regarder, juste avec leurs mains. Durant ces séquences de tendresse, l’obscurité qu’impose Abel dans la vie courante intervient ici, toutefois à façonner les ténèbres on y trouve la lumière.

Qu’est-ce qu’une femme ?

La maladie qui touche Rosalie est l’outil parfait pour parler de la condition de la femme. La pilosité féminine est un tabou d’homme que les femmes combattent ces dernières années. Rosalie est le porte-étendard de cette révolution féministe, montrant avec son personnage éponyme – interprété brillamment par Nadia Tereszkiewicz – que ce n’est pas le regard masculin qui définit ce qu’est féminin.

Dans le métrage, la jeune femme n’est pas considérée comme tel non seulement pour ces attributs « masculins », mais aussi pour le fait qu’elle soit une femme forte et libre. C’est particulièrement visible lorsqu’elle est au café. Rosalie est la seule femme acceptée en ces lieux et ce n’est que grâce à elle que les autres femmes peuvent y pénétrer.

Ce rejet mêlé à cette acceptation biaisée ne font que souligner l’insécurité des hommes. Pour Abel à cause de sa blessure, pour Barcelin car il y voit une femme de son rang, et enfin pour les autres parce qu’elle est plus forte qu’eux.

Rosalie | Trésor Films

Dans leurs regards

L’exclusion est créée par un élément essentiel et traité impeccablement dans le film : le poids du regard d’autrui. Lors du mariage, et alors que personne ne soupçonne la maladie de Rosalie, nous contemplons le couple par les yeux des habitants.

En prenant leur point de vue, nous ressentons toute l’aversion à leur égard. Éloignée, Rosalie va pourtant se rapprocher d’eux. En dévoilant sa barbe, elle se fond dans la masse et efface les regards malveillants. Néanmoins, si la population l’accepte, le regard des institutions, elles qui gèrent la masse, reste tout aussi hostile.

Lorsqu’elles portent leur dévolu sur la jeune femme, celle-ci opère la même marche que celle du mariage avec le retour des regards malveillants. Dans cet amas de méchanceté, des yeux en particulier attirent notre attention : celle de la petite fille. Jusqu’à la conclusion, ce sont les siens qui sont mis en avant, et non ceux plein de haine des habitants.

La proie et le chasseur

La population considère Rosalie comme un animal, et ce à raison. La femme est assimilée à un cerf du début jusqu’à la toute fin. Le métrage débute sur un montage parallèle entre son voyage jusqu’au village et la chasse du dit animal. La séquence se conclut alors par une balle tirée par Abel pour abattre le cerf, Rosalie étant au fond du champ durant cet événement.

Cependant, il n’y pas que la jeune femme qui est assimilé à un animal. Les chiens de la partie de chasse sont de nouveau visibles plus tard, cette fois-ci pour encercler Rosalie. Ces canidés sont les habitants, eux qui sont aussi bien dangereux qu’admiratifs face à cette « créature ».

Dans le cas d’Abel, cela est plus complexe. Il est du côté des chasseurs, toutefois il est aussi taxidermiste. Il empaille le cervidé dans un travail aussi soigneux que celui de sa femme lorsqu’elle confectionne des vêtements.

Par ailleurs, il possède la même minutie lorsqu’il raccourcit la barbe de Rosalie, les deux séquences étant évidemment liées pour marquer l’évolution de leur relation. Le fusil en joug, le chasseur se place du côté de la proie.

La véritable maladie

Rosalie est un beau conte, mais, en tant que tel, il n’échappe pas à certaines facilités. Le métrage de Stéphanie Di Giusto, comme vu précédemment, se veut être un récit sur l’acceptation, un conte qui n’a de cesse d’être rattrapé par la réalité.

À certains moments, le métrage transforme cette dernière. Le jeu de Benoit Magimel est symptomatique de ceci, alternant entre le bon et le moins bon, et malheureusement il déteint sur des séquences clé. Les disputes sont stéréotypées tandis que les épisodes de tendresses sont d’une grande justesse.

C’est dans les silences ou lorsqu’ils montrent leur amour que le métrage fonctionne. La séquence où ils ne se cachent plus est brillante pour ça. Les deux s’embrassent sans voile, puis la jeune femme entre dans sa chambre. La caméra s’éloigne, à l’image de leur relation, toutefois l’homme entre.

Bien que nous ne voyions ce qui s’y déroule, nous comprenons car Abel a brisé la distance qu’il s’était lui-même imposé. Néanmoins, le film fait l’erreur de casser la pudeur de l’amour en nous montrant plus tard une séquence de sexe.

Ainsi, Rosalie met à nu les désirs inavoués et les problèmes sociaux, toutefois il ne sait pas toujours quoi montrer et quoi cacher. Quand Rosalie dévoile sa barbe aux clients du café, la séquence ne révolutionne rien, mais elle marche car nous sommes tout aussi curieux de voir le résultat que les habitants. Réponds à cette séquence reprenant les mêmes codes mais cette fois-ci nous dissimulant un élément sans raison apparente. C’en est d’autant plus dommageable lorsqu’il s’agit du sexe.

Durant les prémices de la relation entre Rosalie et Abel nous sommes dans la divulgation des plaisirs et des désirs dissimulés. Le fait de ne pas montrer leur accouplement aurait été judicieux et aurait pris à contre-pied ce qui a été présenté auparavant. Les séquences, mises au même niveau, n’ont plus la même portée.

Si dans le cas de la forêt cela fonctionne car le lieu représente aussi bien l’apaisement que la douleur, la séquence de sexe qui se voulait initialement digne d’un conte revient brusquement à la réalité dans un moment où elle n’avait pas sa place.

Rosalie n’est plus une bête de foire, une curiosité que nous contemplons par amusement. Rosalie est une femme moderne cassant tous les préjugés masculins. Le métrage de Stéphanie Di Giusto est un Freaks où les particularités physiques sont plus qu’humaines. Il est néanmoins regrettable que l’équilibre entre conte et réel soit parfois rompu, certaines fois sans raison, ce qui dessert l’exécution de ces thèmes si importants.

10 avril 2024 en salle | 1h 55min | Drame, Romance

De Stéphanie Di Giusto | Par Stéphanie Di Giusto, Sandrine Le Coustumer

Avec Nadia Tereszkiewicz, Benoît Magimel

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