L’Empire : Entre Ma Loute et La Vie de Jésus, entre le ciel et la terre, Bruno Dumont nous offre une vision caustique, cruelle et déjantée de La Guerre des étoiles.
AVIS GLOBAL
Le nouveau Bruno Dumont était attendu de part son parti pris singulier d’amener la science-fiction sur la terre de ses précédentes productions. Le temps passant, la raison de cette attente changea, et ce dû à la déclaration d’Adèle Haenel taxant le long-métrage de raciste et de sexisme. La curiosité fut ainsi double à l’approche de cet ovni. Est-ce le film loufoque promis ? L’ancienne actrice a-t-elle raison ? Pour répondre à ces deux questions nous ne pouvons faire qu’une chose : entrer dans ce vaisseau. Cette comédie dramatique française est sorti au cinéma le 21 février 2024.

Objet volant identifiable
L’Empire possède le postulat d’un sketch audiovisuel ou d’une vidéo YouTube humoristique étiré sur deux longues heures. Pourtant, il en est rien. Cette parodie de Bruno Dumont n’en est pas une, et n’est surtout pas ce qui est montré dans la bande-annonce.
L’Empire est un faux space opera premier degré s’attardant davantage sur l’aspect humain que sur le spectaculaire. Certes, nous avons les vaisseaux, l’espace et les sabres laser, et ce avec des effets spéciaux efficaces, toutefois, ils ne sont impliqués dans aucunes scènes d’actions. Le métrage les évite, à l’instar des vaisseaux mères des deux camps qui se confrontent mais qui s’esquivent au dernier moment.
Dumont semble s’amuser avec cette attente. L’entraînement au sabre de Rudy, un « apprenti jedi », est d’une lenteur atroce et ne sert à rien car il n’affronte personne. Le film se contente de hors champs, nous enlevant ainsi les seules opportunités d’action.
Cela participe à l’aspect très terre-à-terre de l’œuvre qui croit dur comme fer à cette bataille millénaire dans le nord de la France. C’est un décalage réussi, bien qu’il est parasité par l’unique réel élément comique du métrage. Belzébuth, interprété par Fabrice Luchini, s’accorde avec la vision parodique que nous avions du film avant de le voir.
L’acteur cabotine comme un méchant de dessin animé, ce qui est dommage au vu du parti pris de Dumont. L’affrontement épique promis ne se retrouve pas dans l’esbroufe de laser, mais à l’intérieur des êtres dans un combat philosophique.

L’invasion des terrestres
La référence à Star Wars est évidente, toutefois, L’Empire reprend principalement de cette saga le manichéisme de son intrigue. Le film questionne le bien et le mal dans sa représentation la plus binaire possible : par un 0 et un 1. La dualité se retrouve aussi dans les vaisseaux respectifs des gentils et des méchants.
Les 1 volent dans une église gothique, tandis que les 0 naviguent dans un château à l’architecture baroque. S’affrontent par ces deux véhicules la bonne religion et la mauvaise monarchie. Néanmoins, le but de ces deux entités qui se nomment chacun « empire » est identique : diriger l’esprit humain.
Par cet objectif supprimant le libre-arbitre, l’espace entre le 0 et le 1 ne peut exister. Pour y parvenir, les extraterrestres doivent prendre la possession de corps humains et donc s’humaniser, ce qui paradoxal. Cela s’accorde totalement avec le propos de Dumont sur la place qu’a la science-fiction dans son film qui sert finalement l’humain.
Les personnages de Jony et Jane sont les porteurs de ce discours, eux qui représentent chacun deux extrêmes mais qui vont se lier. Ça passe initialement par les instincts primaires comme le sexe, d’ailleurs filmé avec distance pour marquer la bestialité.
Le deuxième contact entre les deux amants est porté lui par les sentiments amoureux. Lorsque les deux s’embrassent, la caméra tourne autour d’eux pour souligner la liaison entre le 0 et le 1. Ce symbole circulaire est de nouveau visible à la toute fin, cette fois pour ne laisser que ceux qui étaient entre le 0 et le 1, c’est-à-dire les humains.

Ceux d’en haut
Le final spectaculaire au-dessus d’une petite bourgade du Nord représente à lui seul la différence d’échelle qu’il peut y avoir dans le film. Les enjeux universels se délient dans une commune de très peu d’habitants, au milieu d’un marché ou devant une plage.
Les décors participent grandement à cet aspect. Dumont montre à plusieurs reprises par des plans larges le vide qu’il y a, et d’un autre côté il accentue la grandeur des vaisseaux. L’affrontement est bien là, mais n’a de sens qui si nous y prenons part.
Le manichéisme n’étant que le fruit de la fiction, les habitants de cette petite bourgade n’ont naturellement pas connaissance de ce combat. Dans une grande ville métropolitaine, ces événements auraient été visibles de tous, toutefois dans cette commune les gens s’en moquent.
Pour les métropolitains, les habitants de la France profonde sont des extraterrestres que nous ne voyions jamais et que Dumont montre au détriment de l’épique. Ainsi, pour eux la vie poursuit son cours, que les extraterrestres soient présents ou non.
« L’Empire » ne propose pas les voyages attendus. Cette escapade dans l’espace est un peu longue pour ce qu’elle a à proposer, pourtant elle est très instructive. Bruno Dumont nous propose une exploration de la galaxie humaine loin de la vacuité de la guerre des étoiles qu’offre son inspiration de base.
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