La Vie rêvée de Miss Fran – La morte-vivante contemporaine

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La Vie rêvée de Miss Fran : Fran est employée de bureau dans une petite entreprise portuaire de l’Oregon. D’une timidité maladive, cette célibataire mène une existence millimétrée, dénuée de toute fantaisie – exception faite des étranges rêveries auxquelles elle s’abandonne. Mais les choses changent le jour où Robert, nouvelle recrue fantasque et sympathique, fait mine de s’intéresser à elle…

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Note : 4.5 sur 5.

La tête dans les étoiles avant de l’avoir six pieds sous terre. Voilà ce qu’a pu vivre Daisy Ridley suite à son aventure avec la firme aux grandes oreilles. C’est en creusant vers la surface qu’elle trouva une lumière simple et naturelle, celle de La Vie rêvée de Miss Fran, un film réalisé en secret par Rachel Lambert et produit par l’actrice elle-même. Cette comédie dramatique américaine est sortie au cinéma le 10 janvier 2024.

La Vie rêvée de Miss Fran | Condor
La Vie rêvée de Miss Fran | Condor

Le monde gris de Miss Fran

La Vie rêvée de Miss Fran présente un personnage introverti, hors du monde et surtout en dépression. Fran est une femme à la vie monotone, nous pourrions même dire qu’elle ne vit pas. Son quotidien s’organise sur un plan qui se répète sans cesse.

La première séquence est construite dans cette optique car son arrivée au travail est appuyée par des gros plans marquant son habitude à faire certains gestes. Ainsi, en ne changeant pas d’une ligne sa planification, Fran ne s’intègre pas et devient un meuble dans le décor.

Pourtant, dans ce monde de faux-semblants et d’hypocrites, elle est la plus honnête. En suivant son regard, nous sommes placés dans le rôle de spectateur. Jamais au premier plan, nous entendons et observons ses collègues dans un réalisme gênant.

Si le malaise est palpable à leurs côtés c’est parce que nous sommes complètement dans la peau de Fran. Nous sommes enfermés avec elle dans son bureau, dans cette réalisation rigide et même dans ses songes. Ces derniers sont d’ailleurs utiles pour dévoiler ses émotions là où d’habitude nous ne les voyions pas, bien qu’à vrai dire nous n’en avions pas besoin.

Rachel Lambert offre ainsi une critique acerbe du monde du travail qui propage une vision colorée de la réalité alors que cette image se rapproche davantage de celle grise de Fran.

Rêve de rester

Situé dans une ville portuaire, La Vie rêvée de Miss Fran n’est pourtant pas une œuvre sur l’envie de départ. Le métrage fait souvent référence au voyage par le biais cette fenêtre menant sur un paquebot, par le personnage de Carol qui part en croisière, par cette affiche de l’Oregon lors de la première discussion entre Fran et Robert, ou au cinéma par le film nommé The Departure que ces derniers vont voir.

La vérité est que Fran préférerait se noyer plus que de partir. Le fait est qu’elle habite dans un havre de paix, en témoigne la réalisation insistant énormément sur le calme et la beauté du lieu. L’objectif inavoué de la femme est plutôt de se libérer, et surtout de vivre.

L’élément « perturbateur » de cette vie monotone sera Robert. Son arrivée va totalement changer les habitudes de Fran. Son quotidien va différer, au même titre que ses songes. Alors qu’elle était seule dans la forêt, des insectes la rejoindront pour souligner qu’elle ressent enfin quelque chose.

Des bois elle passera alors à la plage, dans un premier temps en dehors d’une sorte de tipi, puis dedans après leur première soirée ensemble. Le basculement décisif advient quand Robert lui envoie l’invitation pour la soirée entre amis du samedi.

Le rêve rejoint la réalité dans un dynamisme inédit où sa voiture et la pièce de ses rêves volent en éclats, avant de rejoindre la forêt où elle n’est plus allongée mais debout. Aller à cette soirée équivaut pour elle à chambouler toute son existence.

Durant celle-ci, le lien avec la mort sera toujours présent via le jeu, toutefois Fran se sent à sa place. Elle vit. L’autre signe de vie est davantage triste et intervient juste après. En rentrant chez elle, elle se met à pleurer.

Malgré la tristesse de ce geste, Fran montre ses émotions pour la première fois. Au-delà de se dévoiler à Robert pour entamer possiblement une relation, elle se dévoile au monde dans un pas en avant vers la vie.

La Vie rêvée de Miss Fran
La Vie rêvée de Miss Fran | Condor

Anti-cinéma

Rachel Lambert propose une œuvre anti-cinématographique. Ce n’est pas le métrage en lui-même qui l’est car il utilise très bien le médium pour capter ce qu’est Fran, mais plutôt tout ce qui l’entoure. Le réel se retrouve dans la dépression que vit la jeune femme, mais aussi dans les faux-semblants de ses collègues qui jouent tous un rôle.

Cette notion concerne naturellement Robert, lui qui est celui qui souhaite échapper à la réalité alors qu’il y est constamment confronté. Il a pour passion le cinéma et il aimerait pouvoir vivre comme dans les films qu’il regarde sauf qu’il n’a pas la carrure du héros qu’il pense avoir.

Robert a vécu deux échecs amoureux, n’a jamais travaillé et pour couronner le tout, ne sait pas décortiquer un crabe. Malgré tout, il va tenter d’avoir une relation cinématographique avec Fran, mais la réalité va le rattraper.

Leur premier baiser se fait avec une musique romantique en fond. Alors que ça allait aller plus loin, la musique que nous pensions intradiégétique se coupe soudainement à cause du minuteur des pâtes. La bulle cinématographique se voit ainsi éclater par le réel.

Le septième art n’a pas sa place dans ce film réaliste, en témoigne le fait que nous ne voyions aucuns écrans, même pas lors de la séquence au cinéma. La vie n’est malheureusement pas un film, et encore moins un dont Fran est l’héroïne.

Blanche-Fran

Bien qu’il s’éloigne de la réalité faussée du cinéma, ce que raconte La Vie rêvée de Miss Fran par le biais de sa protagoniste se rapproche d’un classique Disney. Cette filiation est initialement due à la distribution française qui nous vend un film de princesse avec une femme à la vie monotone rêvant de voyages et de princes charmants.

Les premières notes de musique de Dabney Morris viennent presque confirmer cela bien que nous déchantons très vite. La Vie rêvée de Miss Fran présente une Blanche-Neige morte se baladant dans le château des vivants, côtoyant non pas les gentils animaux de la forêt, mais plutôt les insectes en quête de chair putride, et qui se laisse tuer par le chasseur dans la forêt.

Le lien avec le premier classique Disney est constant dans le métrage, et il devient très clair à partir de la soirée du samedi. Suite à cette dernière, Fran va dormir toute la journée du dimanche comme si elle avait mangé en connaissance de cause la pomme de la Reine. Enfin, la première chanson de Blanche-Neige et Les Sept Nains accompagne la conclusion du métrage comme si le songe était devenu réalité.

Miss Ridley

Récemment présente sur Clique, Daisy Ridley est revenue sur son expérience avec Star Wars et sur tout ce qu’elle a pu vivre d’horrible par la suite. Le rôle qu’elle tient dans La Vie rêvée de Miss Fran est quasiment naturel vis-à-vis de tout ce qu’elle a vécue.

Cette incarnation offre même un joli contre-pied à celle de la fameuse jedi. Daisy Ridley passe d’une héroïne exagérément puissante à une femme étant tout l’inverse. C’était un rôle fait pour elle et elle est absolument sidérante. C’est une réponse à ceux l’ayant dénigré, eux qui ne peuvent séparer l’interprète de l’interprétation.

La Vie rêvée de Miss Fran n’est pas ce que vendent le titre et l’affiche française. C’est un questionnement sur la mort et sur ce que peut nous apporter la vie. Ce n’est pas une comédie romantique avec Daisy Ridley, mais une redécouverte de l’actrice dans un rôle qui se rapporte à sa propre réalité.

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