Past Lives : A 12 ans, Nora et Hae Sung sont amis d’enfance, amoureux platoniques. Les circonstances les séparent. A 20 ans, le hasard les reconnecte, pour un temps. A 30 ans, ils se retrouvent, adultes, confrontés à ce qu’ils auraient pu être, et à ce qu’ils pourraient devenir.
PAST LIVES
n premier long-métrage reflète souvent les influences qui ont permis de le mettre en œuvre. Dans le cas de Past Lives, Celine Song y a mis de sa vie. La réalisatrice romance son histoire comme pour faire le compte-rendu de son existence passée avant de justement passer à la prochaine, celle cinématographique. Ce premier film se veut ainsi d’autant plus fondamental, non seulement pour nous, mais aussi pour elle. Ce drame américain est sorti au cinéma le 13 décembre 2023.

Une histoire romancée
Past Lives conte la non-histoire d’amour entre Nora et Hae Sung. Bien qu’il s’en défend par la discussion dans le lit entre Nora et Arthur, nous sommes pleinement dans un roman. Les lettres se voient grossièrement, rompant ainsi la réflexion bouddhiste autour de cette relation qui dépasse le cadre de n’importe quelle histoire d’amour.
Ces discours philosophiques sont proclamés dans un effort d’auto-conviction qui peine justement à convaincre le spectateur. Finalement, cette histoire entre Nora et Hae Sung n’est qu’un pastiche d’un pastiche, celui d’In the Mood for Love par Everything Everywhere All at Once sauf qu’il dure ici plus d’1h30 et qu’il ne possède pas la même portée émotionnelle.
Loin du cerveau, loin du coeur
L’amour impossible entre Nora et Hae Sung naît majoritairement de leurs différences. Sont principalement soulignées leurs divergences de mentalités représentées par les lieux où ils habitent. Durant une discussion sur Skype, sont montrés à l’écran les villes où ils logent, un choix judicieux pour montrer subtilement ce qui va bloquer entre eux.
En effet, Nora est une femme ambitieuse collant parfaitement à l’idée de l’American Dream. ; au contraire, Hae Sung est un pur Sud-Coréen travaillant sans relâche. Elle est une voyageuse et lui un terre-à-terre, en témoigne leur séparation lorsqu’ils sont petits où elle monte les escaliers tandis que lui reste sur la terre ferme.
Malgré tout, ils tentent de se rejoindre douze ans plus tard au-delà de ces différences et de la distance au travers d’écrans. Néanmoins, cela est fatalement voué à l’échec et ils se quittent non pas dans des plans de face comme ils en avaient l’habitude, mais dans des plans de profil comme s’ils le faisaient à contrecœur.
Cette « séparation » est motivée une nouvelle fois par le fait qu’ils ont des objectifs contraire : lui part en Chine et elle dans une résidence d’artistes. Ce focus sur eux-mêmes est montré explicitement lorsque la jeune femme signe sur le mur de sa chambre car le plan est identique à ceux des appels Skype sauf qu’en face il y a un miroir.

I Love New York
Le passé n’ayant pas été fructueux, le présent dans le théâtre new-yorkais est l’occasion parfaite pour rattraper le temps perdu. De nos jours, les deux amis se revoient enfin, Hae Sung entrant dans le monde de Nora.
Cette ultime partie du métrage est un hommage clair à New York et au cinéma de Woody Allen, un plan mythique de Manhattan étant même cité. Cette inspiration insuffle de l’espoir dans cette relation. Le plan de leurs retrouvailles confirme ceci car si petits ils étaient séparés par deux statues, ici ils se prennent dans les bras devant un relief où deux personnes se tournent le dos, séparés par un mur. Les deux voguent ainsi dans New York, tels deux amoureux d’une comédie romantique.
Cependant, c’est une relation qui ne peut aboutir, celle-ci étant bloquée dans le monde des « et si ». Trop jeunes, trop loin, ou trop tard, le temps n’est jamais le leur malgré leurs efforts. Nous pourrions même dire que c’est trop tôt car s’ils vivent une vie d’avant, les deux pourront peut-être se rejoindre dans une vie future.
Notre temps
Cette vie n’est pas leur temps, pourtant ce temps, Celine Song le gère à merveille quand elle ne parle pas au travers des personnages ou du montage. Past Lives prend le temps de les montrer pour que nous puissions voir la justesse du jeu des acteurs et pour jouer avec nos attentes.
Il est drôle de voir que ces personnages pensent avoir un contrôle sur le temps, notamment par leurs envolées sur « l’inyeon », sauf que ce n’est pas le cas. C’est perceptible lorsqu’ils disent qu’ils sont adultes alors qu’ils restent des enfants.
La première et dernière partie, même si la temporalité est différente, sont en fait les mêmes. La première fois qu’ils disent qu’ils sont adultes, ils le font devant un manège, symbole aussi bien de l’enfance que du temps cyclique.
Ainsi, nous les voyions à des âges différents, gardant chacun cette timidité et ce problème à exprimer leurs émotions. Le principal souci est que cette filiation entre les parties est trop explicite alors qu’elle est compréhensible du premier coup d’œil.
Le métrage ajoute des inserts de quand ils étaient enfants à des moments clés, ce qui n’était pas nécessaire. Nous voyions les fils du temps, mais le film ne nous croit pas capables de les voir.
Past Lives est une œuvre personnelle qui se veut universelle. Néanmoins, Celine Song fait l’erreur de trop faire parler son film, alors qu’il n’est jamais aussi parlant que lors de l’attente silencieuse d’un Uber. New York reste tout de même un beau théâtre pour ceux qui s’aiment, même si l’amour ne se montre pas sur scène.
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