L’été dernier : Anne, avocate renommée, vit en harmonie avec son mari Pierre et leurs filles de 6 et 7 ans. Un jour, Théo, 17 ans, fils de Pierre d’un précédent mariage, emménage chez eux. Peu de temps après, il annonce à son père qu’il a une liaison avec Anne. Elle nie.
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L’ÉTÉ DERNIER
Catherine Breillat est une réalisatrice provocante mettant à nu les corps et la sexualité de chacun. Après dix ans d’arrêt, la femme de 75 ans revient avec L’été dernier, un long-métrage allant encore plus loin dans la provocation et venant titiller la morale. Ce drame français est sorti au cinéma le 13 septembre 2023.

Une immoralité trop commune
L’été dernier traite de la relation scandaleuse entre une adulte et un adolescent, cependant il le fait de la manière la plus attendue. C’est le récit classique de la bourgeoise s’échappant de la vieillesse dans les bras de la rebelle jeunesse. À l’inverse, c’est l’histoire du jeune qui tombe amoureux d’une femme d’expérience lui apprenant aussi bien l’amour que le sexe tout en faisant du tort à son père.
Les cadenas de l’interdit sont trop visibles et sautent beaucoup trop aisément. En témoigne la séquence du tatouage peu subtile dans son double sens qui est symptomatique d’un métrage dont les dialogues sont peu recherchés et presque caricaturaux.
Le rêve dépasse la réalité
Si l’interdit est de coutume un doux rêve dont la réalité est souvent source de déception, ici il n’en est rien car le film ne prend pas en compte ce dernier point, l’œuvre s’enfermant dans ses chimères. L’été dernier est tout droit sorti d’un fantasme.
Les actes prohibés n’ont aucune conséquence, la dureté de la vie n’ayant étrangement aucun pouvoir sur cette relation. Cette dernière est construite tel le conte que lit Anne à ses filles. Théo et la femme ont leur jardin secret représenté par cette maison isolée, ou plus explicitement par les feuillages les entourant lorsqu’ils souhaitent être à l’abri des regards.
Leur dernière relation sexuelle semble par ailleurs être sorti tout droit d’un recueil, le prince venant reprendre sa princesse. Totalement romancé, l’immoral vainc sans péril sur la réalité.
Romantisme de boudoir
Nous sommes face avec cette œuvre à un romantisme profond, celui des torturés et des rebus de la société. Le choix de Samuel Kircher dans le rôle de Théo va dans ce sens. Le jeune homme possède un visage d’ange, celui de Bjorn Andresen dans Mort à Venise de Luchino Visconti, mais surtout celui de Lucifer dans L’Ange déchu d’Alexandre Cabanel, deux références une nouvelles fois grossières.
D’un tableau à un autre, Anne est représentée par la femme nue lascive au-dessus de son lit. Ce parallèle souligne l’état de sa relation avec son mari, elle et son amant ne couchant par ailleurs jamais dans cette chambre.
Néanmoins, Théo est plus proche du sale gosse que du poète torturé, et Anne de la bourgeoise frivole que de l’héroïne romantique. Catherine Breillat, en mettant à l’image cette histoire, ne semble ni avoir compris ses références, ni avoir réussi à s’émanciper des codes scénaristiques de ce genre de production.

Malaise conjugal
Derrière ce romantisme de bas étage, subsiste tout de même une volonté d’être cru et de provoquer. Cette ambition est affichée dès le premier baiser filmé en très gros plan, et se poursuit dans une réalisation frontale des relations sexuelles.
Nonobstant, l’écart d’âge et l’immoralité de cette idylle ne sont pas ce qui nous choque le plus. Est davantage considérée la gravité de l’infidélité plutôt que celle de l’interdit. Nous en sommes presque à être plus gêné par la relation qu’Anne a avec son mari plutôt qu’avec Théo.
En effet, les deux font l’amour dans un long plan séquence où la femme ne fait que parler tout en étant habillée. Pierre n’est là que pour décharger la pression de son travail, la passion ayant totalement disparu.
Un retour habile à l’enfance
Catherine Breillat s’est enfoncée dans un fantasme sans prendre de recul sur ce qu’elle faisait, pourtant, la forme de ce rêve provient de la tête d’une réalisatrice de talent. Anne est une avocate en droit de la protection de l’enfance, ainsi elle possède une relation formelle avec eux.
Aux côtés de Théo, la formalité disparaîtra car Anne quittera son costume d’adulte, au contraire de Pierre qui possède une relation conflictuelle avec son fils. S’active alors un parallèle entre Théo et les filles, et le jeune homme et la bourgeoise.
Lorsque l’adolescent fait du judo, il se fait mettre à terre et la fille l’étrangle. Dans la rivière, Anne entre dans l’eau – quittant le rivage de la majorité –, et va mettre la tête de Théo sous l’eau. Plus tard, le garçon interview les filles et il fera de même juste après avec sa belle-mère.
Dans ce dernier cas, l’entrevue se déroule avec un zoom avant sur eux s’arrêtant lorsqu’Anne est réfractaire aux avances de Théo, l’étau se renfermant malgré tout peu à peu sur elle. C’est l’adolescent qui souhaite le plus que cette relation aboutisse.
Lorsqu’ils discutent, la caméra se focalise sur son visage bien que nous voyions les cheveux d’Anne. Par ce procédé, nous sentons le désir que porte le jeune homme pour la bourgeoise. C’est d’autant plus perceptible lorsqu’ils font l’amour pour la première fois, la caméra ne montrant que lui.
Néanmoins, cette tendance s’inverse drastiquement au fil du métrage. Les relations sexuelles qui suivent montrent quasi essentiellement le visage d’Anne, soulignant alors qu’elle a voulu et aimé ça. Les deux envahissent l’espace de l’autre, Anne et Théo quittant respectivement leurs rôles.
L’été dernier est trop beau pour être vrai. Si le talent de réalisatrice et de provocatrice de Catherine Breillat n’est pas à remettre en cause, la femme tombe dans une gênante banalité. Malheureusement, ce désir immoral la domine, alors que cela aurait dû être l’inverse.

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