Carmen – Une danse faite les deux pieds enfoncés dans le sable

Carmen : Carmen, une jeune mexicaine qui tente de traverser la frontière, tombe sur une patrouille américaine. Aidan, jeune ex-marine lui sauve la vie en tuant l’un des siens. A jamais liés par cette nuit tragique et désormais poursuivis par les forces de l’ordre, ils font route ensemble vers la Cité des Anges. Ils trouveront refuge au cœur de la Sombra Poderosa, un club tenu par la tante de Carmen qui leur offrira un moment suspendu grâce à la musique et la danse.

Carmen | Pathé
Carmen | Pathé

https://platform.twitter.com/widgets.js

Carmen

Note : 2.5 sur 5.

Danseur et chorégraphe de renom, Benjamin Millepied s’attaque à sa première réalisation, celui-ci n’étant pas inconnu du cinéma et ayant signé il y treize ans la chorégraphie du Black Swan de Darren Aronofsky. Pour ses premiers pas en tant que cinéaste, l’ancien directeur du ballet de l’Opéra de Paris ne s’éloigne pas de son art de prédilection en proposant une réadaptation moderne de Carmen de Georges Bizet. Ce drame romantique australo-français est sortie le 14 juin 2023.

Une danse réchauffée

Carmen est une œuvre sur deux destins qui s’entrecroisent : celui de Carmen la mexicaine, portée par Melissa Barrera, et celui d’Aidan l’américain. Cet entremêlement des destinées est représenté par le montage parallèle initial, notamment celui amorçant leur départ. Dans les deux situations, l’apparition d’une voiture mène à la mouvance involontaire des personnages. Suite à cela, Carmen et Aidan seront comme les balançoires du manège de la fête foraine : ils s’éloigneront et se rejoindront, les deux affrontant ceux qui les poursuivent par l’art.

Au vu de ce postulat, il est évident que nous sommes loin de la subtilité, chose confirmée par l’écriture des personnages américains. Tous, sans exception, sont le vecteur d’une imagerie cliché du texan beauf et raciste. Paul Mescal pâti de cette représentation car l’acteur doit s’y adapter et notamment par sa voix, celui-ci devant couvrir tant bien que mal son accent irlandais.

De plus, le long-métrage fait usage d’un traitement classique du thème de la liberté, en la faisant passer par la danse ou par la mer, l’œuvre faisant auparavant la part belle aux grands espaces désertiques sans fin.

La relecture d’une œuvre inattendue…

En ce sens, Carmen assume totalement de conter une histoire que nous connaissons déjà, nous pourrions même dire qu’il l’assume plus que de raison. Effectivement, le métrage porte avec lui une teinte profondément tragique appuyée par des chœurs constants allant dans cette direction et ne laissant aucun doute sur la conclusion de cette histoire d’amour.

Ce dernier point est paradoxal car Carmen est initialement un opéra-comique où la protagoniste vit de nombreuses aventures sentimentales. Benjamin Millepied ne garde finalement rien de l’œuvre de Georges Bizet – mis à part quelques compositions musicales – et propose plutôt une transposition moderne de la pièce Roméo et Juliette de William Shakespeare.

…mais désincarnée

Pour davantage marquer l’aspect tragique de l’ensemble, et comme si après tout ça cela n’avait pas été clair, le film en vient à balancer continuellement des éléments annonciateurs tels que le feu, la guirlande ou l’homme miroir, et surtout le plan du couple s’enfonçant dans l’obscurité.

Au milieu de ces éléments s’ajoute aussi un côté fantastique porté par le personnage de Rossy de Palma. Masilda est une sorte de fileuse du destin, celle-ci, bien qu’en connaissant les événements futurs, les laisse se dérouler.

Le spectateur possède lui aussi ce don de voyance, bien que dans ce cas précis cela dessert le plaisir du visionnage. En effet, en contemplant les événements d’un œil extérieur, nous sommes détachés du métrage. Contre toute attente, le symptôme de ce problème est ce qui fait la force de l’œuvre : la danse.

Des mains en or surfe habilement sur la vague des guérisseurs, offrant une perspective intrigante. Celle-ci peut tout de même révolter les esprits les plus rationnels, car il n’y a aucune remise en question de cette pratique. Cependant, malgré cette controverse, ce n’est pas l’aspect principal du film. En réalité, il s’agit d’un récit centré sur un homme déterminé à reprendre sa vie en main. À travers son dos blessé, on découvre que sa négativité prenait racine dans un environnement étouffant et inconciliable avec sa véritable essence.

 Abonnez-vous pour recevoir toutes les critiques et les actualités

Carmen | Pathé
Carmen | Pathé

La beauté des corps

Réalisé par un grand danseur et chorégraphe, la danse est forcément un des points forts de Carmen. Nous retrouvons ici une danse organique, voire charnelle. Que la musique soit intradiégétique ou extradiégétique, nous pouvons entendre chaque mouvement et chaque respiration.

Nous sommes au plus proche des corps, ce qui est d’ailleurs souligné par la caméra qui suit au plus prés les mouvements des danseurs. Cependant, Benjamin Millepied semble manquer de confiance en lui et en ses acteurs.

Surviennent à de nombreuses reprises des jumpcuts en plein milieu des mouvements ce qui donne la désagréable sensation d’avoir deux plans différents collés l’un à l’autre. Toutefois, le véritable soucis vient du fait que ces danses peinent à nous emporter.

La victoire amère du cinéma sur la danse

Malgré l’invitation des danseurs à venir avec eux via des discours face caméra, nous restons plantés dans notre siège sans jamais participer au spectacle que nous contemplons, à l’image de l’américain observant la mexicaine.

Cela est dû au fait que ces danses ne racontent rien ou alors des banalités. L’histoire prend complètement le pas sur elles alors que cela devrait être elles qui doivent faire avancer l’intrigue.

Ce n’est qu’à de rares occasions qu’elles le font, particulièrement durant les dernières minutes avec les danses de Carmen et d’Aidan. Bien que le métrage utilise le lien classique entre danse et boxe, ici cela fonctionne pour montrer qu’ils se ressemblent bien qu’ils fassent partie de deux mondes différents.

La danse métaphorique finale reste cependant la plus juste, et elle serait même à rapprocher de celle où les deux dansent dans l’obscurité, le symbolisme étant très puissant dans ces deux séquences. Alors que cela est son domaine de prédilection, Benjamin Millepied a malheureusement voulu faire trop de cinéma.

Carmen est un honnête premier film pour un réalisateur, mais pas pour un chorégraphe. Benjamin Millepied s’est totalement dévoué au scénario, balayant ainsi toute la teneur onirique qu’il avait initialement dévoilé. Le langage cinématographique a pris le pas sur celui des corps tandis que nous nous attendions à l’inverse.

Carmen | Pathé
Carmen | Pathé

Vous pouvez continuer à me suivre sur Instagram Twitter et Facebook

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Carmen | Pathé

categories

subscribe to my blog